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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 28

Le jeudi 24 mars 2022
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 24 mars 2022

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Fête de l’indépendance de la Grèce

L’honorable Leo Housakos (leader suppléant de l’opposition) : Honorables sénateurs, demain, les Hellènes et les philhellènes du monde entier célébreront la journée nationale de l’indépendance de la Grèce comme ils le font le 25 mars de chaque année. Pour les Grecs, cette date symbolique commémore la fin de leur lutte de 400 ans sous un régime ottoman oppressif.

Pendant des siècles, les Grecs ont été relégués au rang de citoyens de deuxième classe dans leur propre pays. Ils ont été victimes d’extorsion au quotidien, ont dû payer des impôts excessifs et ont fait l’objet de massacres. La lutte pour l’indépendance est née d’une série de soulèvements et de rébellions nationales où les Grecs cherchaient à chasser la force d’occupation et à recouvrer leur liberté.

La lutte pour la liberté n’était pas portée par les Grecs seulement. Il est approprié de souligner que l’insurrection pour la liberté des Grecs a pris naissance au sein d’une organisation nommée la « Société des amis » à Odessa, qui se situe aujourd’hui en Ukraine. Parmi les autres défenseurs de la démocratie se trouvait nul autre que lord Byron, qui a consacré sa richesse et sa vie à soutenir la lutte pour l’indépendance du peuple grec.

Le 25 mars 1821, après avoir livré sans relâche un combat inégal contre les attaques des forces ottomanes pendant près d’une décennie, les Grecs ont déclaré leur indépendance et ont restauré la démocratie où celle-ci est née.

Plus de 200 ans plus tard, cette victoire triomphale demeure un exemple inspirant de courage et de détermination face à la tyrannie et sert de rappel marquant de la nécessité de ne jamais reculer dans la défense de la liberté et de la démocratie. Aujourd’hui, devant la montée de l’autoritarisme dont on est témoin dans le monde, ce rappel est aussi important que jamais.

Nous, Canadiens, ne devons jamais oublier que les valeurs fondamentales de la liberté et de la démocratie, qui nous sont si chères, ont leurs racines dans la Grèce antique, la civilisation la plus ancienne et la plus riche de l’histoire de l’humanité. Surtout, nous devons reconnaître que nous sommes chanceux d’avoir hérité de ces idéaux helléniques, qui existent encore aujourd’hui en Grèce et ici même, au Canada, grâce au courage et aux sacrifices des héros grecs qui ont lutté pour les préserver il y a bien des années, en 1821.

Cela dit, chers collègues, à la veille de la célébration annuelle de l’indépendance de la Grèce, j’aimerais profiter de l’occasion pour transmettre mes souhaits les plus sincères à la communauté hellénique du Canada et du monde entier.

Des voix : Bravo!

Le Mois de l’histoire des femmes

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, nous sommes en plein Mois de l’histoire des femmes, il est donc important de souligner que l’histoire, et bien entendu l’histoire des femmes, s’écrit chaque jour. Bien qu’elles soient souvent perçues comme révolues, ces histoires sont plutôt vivantes et actuelles. Il y a plus d’histoires concernant les réalisations et les contributions que l’on doit aux femmes que ce qu’il est possible de raconter en un seul jour, voire en un seul mois.

Le fait de reconnaître et de rendre visible le rôle des femmes dans l’histoire permet aux autres d’emboîter le pas. Les femmes et les hommes ne doivent pas voir les vies et les récits des femmes simplement comme une annexe à l’histoire, mais plutôt s’y reconnaître.

Il existe bon nombre d’exemples de pionnières dans chaque discipline, partout dans le monde. De nombreuses sociétés anciennes et modernes reconnaissent que les femmes jouent un rôle central au quotidien et sont une force qui accélère la marche du progrès. Les femmes ont grandement contribué à propulser leurs collectivités et leurs industries vers l’avant. La première femme à agir est souvent la première personne à agir.

Honorables sénateurs, je suis fort heureuse de soutenir une nouvelle initiative menée par trois Canadiennes inspirantes. Arlene Hache, Heather Morrison et Mary Clancy ont joint leurs efforts pour créer le Musée canadien de l’histoire des femmes. Leur objectif est de créer un endroit central où raconter l’histoire des femmes au Canada. Je crois que cette initiative est essentielle. Il est maintenant temps de présenter les points de vue qui ont été occultés depuis trop longtemps.

En tant qu’ex-enseignante, j’ai pu constater l’importance et l’impact des informations et des points de vue que nous présentons aux jeunes. L’histoire des femmes fait partie de l’histoire. Il faut l’enseigner à tous les Canadiens. Les jeunes femmes profiteraient certainement de cet enseignement, mais, honorables sénateurs, les jeunes hommes aussi.

Je crois que ce projet est voué à un grand succès et qu’il continuera de prendre de l’ampleur. J’invite tous les sénateurs à soutenir cette initiative.

Honorables sénateurs, chaque journée est la bonne journée pour célébrer les femmes qui nous entourent et les réalisations des femmes en général. Joignez-vous à moi pour applaudir toutes les pionnières et toutes les femmes dont les réalisations marqueront l’histoire. Merci.

Des voix : Bravo!

Statistique Canada—Le recensement

L’honorable Donna Dasko : Honorables sénateurs, avec tout ce qui se passe depuis quelques mois, certains parmi nous ont peut-être raté les premières conclusions fort intéressantes du recensement canadien de 2021. J’espère remédier à la situation avec mon intervention et soulever certains éléments clés à retenir.

(1410)

Le 9 février, Statistique Canada a publié son premier relevé sur les changements démographiques au Canada. Le recensement brosse un tableau de croissance robuste et d’urbanisation incessante.

Saviez-vous que le Canada est en tête de tous les pays du G7 pour la croissance démographique de 2016 à 2021? Bien que la pandémie ait freiné la croissance en 2020, la population du Canada a quand même augmenté presque deux fois plus vite que celle des autres pays du G7 pendant cette période.

Le Canada compte maintenant près de 37 millions d’habitants, ce qui représente une hausse de 5,2 % par rapport à 2016. La plus grande partie de l’augmentation s’est produite avant la pandémie. D’ailleurs, 2019 a été une année record en matière de croissance démographique dans notre pays. Quatre cinquièmes de cette croissance accrue étaient attribuables à l’immigration.

Parmi toutes les provinces et tous les territoires, le Yukon a connu la croissance la plus rapide à l’échelle nationale avec une hausse de 12,1 %. Parmi les 10 provinces, l’Île-du-Prince-Édouard a connu la plus forte croissance avec une hausse de 8 %, suivie de la Colombie-Britannique avec une hausse de 7,6 %. L’Ontario a également connu une croissance supérieure à la moyenne avec une hausse de 5,8 %, suivi de la Nouvelle-Écosse et du Manitoba avec une hausse de 5 % chacun et de l’Alberta avec une hausse de 4,8 %. Le Québec et le Nouveau-Brunswick ont connu une croissance de 4 % chacun, la Saskatchewan une croissance de 3,1 % et le Nunavut une croissance de 2,5 %. Terre-Neuve-et-Labrador et les Territoires du Nord-Ouest ont été les seuls endroits à connaître une décroissance démographique au cours de la période de cinq ans en question.

La deuxième grande tendance démographique peut être décrite comme une urbanisation incessante. Dans l’ensemble, les zones urbaines ont augmenté à un taux de 6,6 %, tandis que les zones rurales n’ont pratiquement pas connu de croissance.

Voici quelques faits en bref : chacun des 41 centres urbains les plus grands du Canada a grandi. La population d’Ottawa et celle d’Edmonton ont toutes les deux dépassé le seuil de 1 million d’habitants. Les centres-villes des grandes villes connaissaient une croissance plus rapide que jamais auparavant. Notamment, les centres-villes d’Halifax, de Montréal, de Calgary et de Toronto ont connu une forte croissance pendant cette période. De plus, les banlieues les plus éloignées des trois plus grandes zones urbaines ont connu un taux de croissance plus élevé que celui des banlieues proches des villes. On appelle la région du Grand Toronto la région du 905. Le 905 est connu pour ses électeurs indécis et, maintenant, il y en a beaucoup plus qu’avant.

Chers collègues, j’espère que vous appréciez le fait que j’ai mentionné toutes les provinces et tous les territoires du Canada dans ma brève déclaration aujourd’hui.

Merci.

Des voix : Bravo!

Paul Corkum, O.C., O.Ont.

L’honorable Rose-May Poirier : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour rendre hommage à un Néo‑Brunswickois extraordinaire, le physicien Paul Corkum. Né à Saint John, le professeur Corkum est le colauréat du prix Wolf de physique de 2022. Il rejoint ainsi les rangs de lauréats précédents tels que le regretté Stephen Hawking. Ce professeur de l’Université d’Ottawa a partagé ce prix avec deux autres physiciens européens.

Lorsqu’on lui a téléphoné pour l’informer, le professeur Corkum n’a pas reconnu le numéro. À une époque où on vérifie deux fois plutôt qu’une qui nous appelle avant de répondre, le professeur Corkum a pensé qu’il s’agissait de télémarketing et a failli raccrocher. Heureusement, il ne l’a pas fait et a pu recevoir le prestigieux prix.

Le prix Wolf est décerné à des scientifiques et à des artistes exceptionnels du monde entier pour leurs réalisations dans l’intérêt de l’humanité et des relations pacifiques entre les peuples. Dans les domaines de la physique et de la chimie, on considère souvent que ce prix n’est surpassé que par le prix Nobel. Entre 1978 et 2010, 14 des 26 lauréats du prix Wolf ont reçu le prix Nobel peu de temps après.

De plus, c’est la troisième fois au cours des cinq dernières années qu’on remet ce prix à un Canadien. Le professeur Corkum rejoint ainsi les rangs de Gilles Brassard, qui a reçu le prix en 2018 aux côtés d’un collègue américain, et d’Allan H. MacDonald, qui l’a obtenu en 2020 conjointement avec des collègues d’Israël et d’Espagne.

Le professeur Paul Corkum s’est vu attribuer une longue liste de prix, ici comme à l’étranger, pour ses réalisations d’avant-garde, notamment la Médaille royale de la Royal Society, la médaille et le prix Isaac-Newton de l’Institute of Physics du Royaume-Uni, la médaille d’or Lomonosov de l’Académie des sciences de Russie, le prix Harvey de l’Institut israélien de technologie, le Prix international du roi Fayçal en sciences et la médaille d’or Gerhard-Herzberg du Canada en sciences et en génie. Le professeur Corkum doit sa nomination à son rôle de pionnier dans le domaine de l’attoseconde : un milliardième de milliardième de seconde.

Honorables sénateurs, je n’oserais pas essayer d’expliquer les détails de ses recherches, car ces notions dépassent largement ma compréhension de la physique. Par contre, j’aimerais souligner que la pandémie des deux dernières années n’a pas empêché le monde de connaître de grandes réalisations et autres nouvelles positives. La pandémie de COVID-19 a éclipsé un grand nombre d’événements qui se sont produits au cours de deux dernières années. La Terre a tout de même continué de tourner, comme en font foi toutes les découvertes et percées, notamment celle du professeur Corkum et de ses collègues.

Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour féliciter le professeur Paul Corkum pour ses nombreuses réalisations et avancées scientifiques dans le domaine de la physique. Il est une véritable source de fierté à l’échelle internationale pour le Nouveau-Brunswick et le Canada. Merci.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

Le Sénat

Préavis de motion tendant à autoriser les séances hybrides jusqu’au 30 avril 2022

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que les dispositions de l’ordre du 25 novembre 2021 concernant les séances hybrides du Sénat et des comités, et d’autres questions, soient prolongées jusqu’à la fin de la journée le 30 avril 2022;

Que le Sénat s’engage à considérer une transition vers un retour aux séances en personne dès que possible à la lumière de tous les facteurs pertinents, y compris les lignes directrices en matière de santé publique, ainsi que la sécurité et le bien‑être de tout le personnel parlementaire;

Que toute prolongation ultérieure de cet ordre ne soit effectuée qu’après consultation avec les leaders et facilitateurs de tous les partis reconnus et groupes parlementaires reconnus.

Projet de loi sur l’édiction d’engagements climatiques

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Rosa Galvez dépose le projet de loi S-243, Loi édictant la Loi sur la finance alignée sur le climat et apportant des modifications connexes à d’autres lois.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons‑nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Galvez, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après‑demain.)

Le Sénat

Préavis de motion tendant à modifier l’article 2 du chapitre 4:03 du Règlement administratif du Sénat

L’honorable Sabi Marwah : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que l’article 2 du chapitre 4:03 du Règlement administratif du Sénat (RAS) soit modifié par adjonction, après le paragraphe (2), de ce qui suit :

« (3) Pendant les périodes de prorogation et de dissolution, les sénateurs qui faisaient partie du Sous‑comité du programme et de la procédure du Comité de sélection au moment de la prorogation ou de la dissolution du Parlement peuvent exercer collectivement les pouvoirs du Comité de sélection prévus au paragraphe (2).

(4) Si un sénateur visé au paragraphe (3) prend sa retraite, démissionne ou cesse de siéger en tant que membre d’un parti reconnu ou d’un groupe parlementaire reconnu pour quelque motif que ce soit pendant une période de prorogation ou de dissolution, il cesse alors également de siéger au Comité de sélection pour l’application du paragraphe (3). Le siège vacant qui en résulte doit être attribué au leader ou au facilitateur du parti ou du groupe auquel appartenait le sénateur. »


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les affaires étrangères

La Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures

L’honorable Leo Housakos (leader suppléant de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

(1420)

Ces quatre dernières années, au mois de mars, le gouvernement Trudeau a versé presque 40 millions de dollars américains à la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures. Celle-ci est un élément majeur de la stratégie visant à étendre la gouvernance et l’influence autoritaristes de la Chine à la grandeur de la région indo-pacifique.

Selon une réponse donnée à une question inscrite au Feuilleton du Sénat, le versement d’un dernier paiement est prévu ce mois-ci. Un autre montant de 40 millions de dollars américains provenant des poches des contribuables canadiens ira à un régime qui — même le premier ministre Trudeau est maintenant obligé de l’admettre — est en train de monter les démocraties les unes contre les autres. Monsieur le leader, est-ce que votre gouvernement a effectué le paiement ce mois-ci? Dans l’affirmative, pourquoi?

Le gouvernement néo-démocrate—libéral est-il prêt à mettre fin au versement de ces paiements et à retirer le Canada de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures? Êtes-vous d’accord avec ces conditions?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, sénateur.

Je n’ai pas de réponse, mais je vais m’informer afin de savoir si le paiement a été effectué et afin de connaître les futures intentions du gouvernement du Canada.

Le sénateur Housakos : Je vous en remercie, monsieur le leader du gouvernement.

Ces dernières années, des financements approuvés ou proposés totalisant plus de 1,1 milliard de dollars ont été associés à des projets de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures en Russie. Cela signifie que l’argent des contribuables canadiens a été investi pour améliorer les routes de la Russie, pour soutenir son système ferroviaire, et pour soutenir une infrastructure qu’elle a utilisée de façon très répréhensible au cours des derniers mois.

Une semaine après le début de l’invasion illégale de Vladimir Poutine en Ukraine, la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures a annoncé qu’elle avait suspendu toutes ses activités en Russie et au Bélarus et que ces activités feraient l’objet d’un examen.

Monsieur le leader, rien n’indique que la Chine suspendra ces projets indéfiniment. Cela fait maintenant exactement un mois que la guerre a commencé en Ukraine et la Chine n’a toujours pas condamné l’invasion russe.

Pourquoi l’argent des contribuables canadiens continue-t-il d’appuyer ce groupe?

Le sénateur Gold : Merci pour votre question.

Encore une fois, je vais me renseigner et je serai heureux de vous revenir quand j’aurai une réponse.

Les finances

Le dégel des comptes bancaires gelés

L’honorable David M. Wells (leader adjoint suppléant de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

En février, sénateur Gold, plus de 200 comptes bancaires totalisant une valeur de près de 8 millions de dollars ont été gelés quand le gouvernement fédéral a utilisé des pouvoirs d’urgence dans le contexte du convoi pour la liberté. Lors d’une réunion de comité en février, des fonctionnaires fédéraux ont affirmé que la plupart des comptes étaient en train d’être dégelés.

Sénateur Gold, pouvez-vous confirmer que tous les comptes bancaires gelés ont maintenant été dégelés?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour votre question.

Je ne suis pas en mesure de confirmer cela sans m’informer, et c’est ce que je ferai.

Le sénateur Wells : Sénateur Gold, vous vous rappellerez que je vous ai posé cette question il y a trois ou quatre semaines.

Ma question complémentaire est la suivante. Étant donné que des milliers de Canadiens ont donné 10 ou 20 $ au convoi pour la liberté, convenez-vous que le gouvernement a fait preuve d’un grave manque de prévoyance en gelant les comptes de centaines de donateurs, provoquant ainsi la ruée de milliers de donateurs vers les banques?

Le sénateur Gold : Merci de votre question.

Non, je ne suis pas d’accord.

Les affaires étrangères

L’accès aux vaccins contre la COVID-19

L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, nous savons que la résilience à l’échelle mondiale est essentielle dans la lutte contre la COVID-19. Nous sommes toujours en situation de pandémie.

Nous savons également que plus de 80 % des Canadiens sont pleinement vaccinés. Cependant, selon l’UNICEF, il n’y a qu’environ 9,4 % des habitants des pays à faible revenu qui ont reçu une seule dose. La hausse des cas dans une région du monde a des répercussions dans le monde entier. Cette situation est d’autant plus préoccupante avec l’arrivée de nouveaux variants, comme le variant BA.2, qui touchent de façon démesurée les régions du monde où le taux de vaccination est faible.

Sénateur Gold, pouvez-vous nous dire ce que fait le Canada pour mieux remédier aux inégalités mondiales en matière d’accès aux vaccins, en particulier dans l’ensemble des pays du Sud? Merci.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de cette question importante, madame la sénatrice.

Le Canada a consacré 2,6 milliards de dollars à la lutte mondiale contre le coronavirus, ce qui comprend une somme totale de 1,3 milliard de dollars consacrée au dispositif pour accélérer l’accès aux outils de lutte contre la COVID-19.

Le Canada s’est également engagé à faire don de l’équivalent d’au moins 200 millions de doses de vaccins au mécanisme COVAX d’ici la fin de 2022. Cela inclut des engagements financiers pris envers le COVAX et le don de doses de vaccins excédentaires. On m’a informé qu’en date du 4 mars dernier, 13,9 millions de doses de vaccins excédentaires avaient été acheminées au mécanisme COVAX et l’équivalent de 87 millions de doses de vaccins avait été fourni par la voie d’une aide financière.

On m’a également informé que le Canada a versé 50 millions de dollars à l’Organisation panaméricaine de la santé pour appuyer les efforts de distribution de vaccins contre la COVID-19 et de fournitures auxiliaires à ceux qui vivent dans des situations de vulnérabilité dans l’ensemble des Caraïbes et de l’Amérique latine, notamment des migrants vénézuéliens et des populations défavorisées à risque.

Chers collègues, cette organisation utilise une partie de ce financement pour procurer des doses de vaccins aux pays dont elle s’occupe, et cela s’ajoute aux engagements que le Canada a pris envers le mécanisme COVAX.

La sénatrice Coyle : Je vous remercie beaucoup, sénateur Gold. Vous avez parlé de fournitures auxiliaires, et j’aimerais en savoir plus à ce sujet.

Nous savons qu’en plus des enjeux liés à l’approvisionnement en vaccins, de nombreux pays éprouvent des difficultés du point de vue des infrastructures appropriées, notamment lorsqu’il s’agit de la chaîne de froid et de l’entreposage des vaccins.

Que fait le Canada pour s’attaquer aux lacunes liées aux infrastructures, qui entraînent des retards supplémentaires d’accès aux vaccins dans des pays à faible revenu?

Le sénateur Gold : Merci de la question, honorable sénatrice.

En collaboration avec ses partenaires internationaux, le Canada s’efforce de faire tomber tous les obstacles qui nuisent à l’accès équitable aux vaccins, notamment en améliorant la capacité mondiale de fabrication de ces vaccins.

Je sais également que le gouvernement a annoncé un investissement allant jusqu’à 15 millions de dollars qui ira à nos partenaires du groupe de travail du COVAX sur la fabrication pour contribuer à mettre sur pied le centre de transfert de technologies en Afrique du Sud. Cette initiative aidera à développer des capacités qui permettront la mise au point et la production de technologies et de vaccins à ARN messager dans la région.

Quant à l’autre partie de votre question, je vais me renseigner et je vais vous revenir là-dessus avec plaisir.

Les finances

Le secteur de la bienfaisance

L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, j’aimerais discuter du contingent des versements des organismes de bienfaisance enregistrés. Comme vous le savez, les organismes de bienfaisance sont tenus, selon la loi, d’investir 3,5 % chaque année dans leurs propres programmes caritatifs ou dans des dons à des donataires reconnus.

Dans le budget de l’an dernier, le gouvernement avait promis de tenir des consultations publiques auprès des organismes de bienfaisance sur l’augmentation du contingent des versements. Le gouvernement a constaté que cette mesure pourrait faire accroître de 1 à 2 milliards de dollars annuellement le soutien apporté aux organismes du secteur caritatif et à ceux qui ont besoin de leurs services.

Dans son rapport de juillet 2021, le Comité consultatif sur le secteur de la bienfaisance du gouvernement a également indiqué qu’un de ses groupes de travail menait des consultations sur le sujet. Cette démarche concorde justement avec une des recommandations formulées par le Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance en 2019.

Bien des gens réclament une augmentation du minimum de 3,5 % en raison de la croissance considérable des actifs d’investissements des organismes de bienfaisance et des fondations au cours des dernières années. Nous savons que le contingent des versements est plus élevé aux États-Unis et en Australie, par exemple. Comme nous nous remettons de la pandémie, il me semble que cette hausse viendrait à point nommé.

Pouvez-vous nous informer de l’état d’avancement des consultations gouvernementales sur cette question? Quelles options sont actuellement envisagées et est-ce que le ministère des Finances discute de la possibilité d’inclure les modifications proposées dans le prochain budget?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question.

Dans le budget de 2021, le gouvernement a annoncé son intention d’augmenter potentiellement le contingent des versements, ce qui pourrait accroître l’appui au secteur de la bienfaisance et avantager les utilisateurs de ses services.

Comme vous l’avez mentionné, le gouvernement fédéral a lancé un processus de consultation pour permettre aux intervenants et aux membres intéressés du public de donner leur avis. Ce processus a pris fin en décembre 2021.

Le gouvernement a hâte de pouvoir communiquer les résultats de ces consultations le moment venu.

Le sénateur Loffreda : Merci de votre réponse, sénateur Gold.

Nous savons que la plupart des fondations et des organismes de bienfaisance respectent ou dépassent leurs contingents des versements, et qu’on accorde une réduction à ceux qui ne peuvent pas affecter le montant minimum de 3,5 % en raison de circonstances indépendantes de leur volonté.

Pourriez-vous nous préciser combien d’organismes de bienfaisance n’ont pas pu respecter leur contingent des versements au cours des dernières années? Pourquoi certains organismes ne sont-ils pas en mesure de se conformer à cette exigence, et que peut-on faire pour atténuer les pressions exercées sur eux afin que la société puisse bénéficier de leurs contributions?

Le sénateur Gold : Merci, sénateur, de votre question et de votre soutien indéfectible au secteur de la bienfaisance, qui est bien connu de nous tous, plus particulièrement au Québec.

(1430)

On m’a informé que la majorité des organismes de bienfaisance, en fait, atteignent ou dépassent leur contingent des versements, mais qu’il existe aujourd’hui un manque d’au moins un milliard de dollars pour ce qui est des dépenses de ces organismes dans nos collectivités.

En ce qui concerne les points précis de vos autres questions, je m’informerai auprès du gouvernement et présenterai les réponses au Sénat dès que je les recevrai.

La santé

Les services de santé mentale

L’honorable Brian Francis : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Le taux d’enfants et de jeunes hospitalisés pour des troubles de santé mentale de l’Île-du-Prince-Édouard est le plus haut parmi les provinces. Il est près du double de celui de l’Ontario et près du triple de celui de la Nouvelle-Écosse.

L’été dernier, le ministre de la Santé a annoncé un financement de plus de 9 millions de dollars destiné à 57 centres de crise partout au Canada. Sénateur Gold, pouvez-vous nous dire combien de ces centres sont situés à l’Île-du-Prince-Édouard?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Les centres de crise jouent un rôle essentiel dans nos collectivités, car ils fournissent un soutien en santé mentale et des ressources à ceux qui en ont besoin. Nous savons que partout au pays, ces centres connaissent une forte augmentation des demandes pour accéder à leurs services.

Même si aucun des 57 organismes ayant reçu des subventions l’an dernier ne se trouvait sur l’Île-du-Prince-Édouard, on m’a informé que l’Agence de la santé publique du Canada étudie actuellement la demande de financement d’une organisation qui fournit un soutien dans cette province en cas de crise de santé mentale. L’Agence de la santé publique du Canada effectue également des versements à Jeunesse, J’écoute, à hauteur de plus de 14,8 millions de dollars sur 36 mois, afin que cet organisme puisse aider les enfants et les jeunes en détresse pendant la pandémie partout au Canada, notamment dans votre province.

Tous les Canadiens, y compris ceux qui sont à risque et ceux qui vivent dans des zones rurales ou reculées, doivent pouvoir accéder aux ressources et aux services essentiels en santé et en santé mentale. Le gouvernement travaille avec les provinces et les territoires pour élargir l’offre de services à distance, et le gouvernement veut s’assurer que les Canadiens peuvent utiliser des services d’aide d’urgence et qu’ils puissent y accéder quand ils en ont besoin.

Le sénateur Francis : Je vous remercie de votre réponse, sénateur Gold. L’Agence de la santé publique du Canada a également étendu un processus de demande de fonds supplémentaires pour des services d’aide en cas de crise qui s’est déroulé l’an dernier et s’est terminé à l’automne. Sénateur Gold, pourriez-vous nous dire si les demandes provenant de l’Île-du-Prince-Édouard ont été approuvées et si du financement a été consenti?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question, sénateur. On me dit que les demandes retenues dans le cadre du deuxième processus dont vous parlez n’ont pas encore été annoncées étant donné que l’on s’affaire toujours à terminer l’examen de certaines demandes. Je le répète, l’Agence de la santé publique du Canada collabore actuellement avec un organisme concernant une demande de financement pour répondre aux besoins de soutien de l’Île-du-Prince-Édouard en matière de détresse psychologique. Je m’engage à demander des précisions au gouvernement et à vous fournir des renseignements supplémentaires au sujet du financement fédéral pour les centres de crise au service de l’Île-du-Prince-Édouard dès que ces renseignements seront disponibles.

[Français]

Le Bureau du Conseil privé

L’entente avec le Nouveau Parti démocratique

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Ma question s’adresse au leader du gouvernement. À maintes reprises, au cours des dernières années, j’ai entendu — et je suis sûr que vous avez aussi entendu — des députés du NPD et même d’anciens chefs de ce parti demander que le Sénat soit aboli et clamer l’inutilité des travaux que nous menons dans cette Chambre en vertu des pouvoirs démocratiques qui nous sont conférés. Nous savons maintenant que le gouvernement que vous représentez a acheté sa propre survie grâce à une alliance avec le NPD, dont certains députés s’assureront une pension à vie en siégeant jusqu’en 2025. C’est une honte de manipuler la volonté des électeurs qui n’ont donné à ce gouvernement qu’un gouvernement minoritaire.

Monsieur le leader, concernant les dénonciations du Sénat faites par le NPD, comment allez-vous accepter de défendre avec honnêteté et honneur les projets de loi issus des politiques du NPD qui seront soumis dans cette Chambre ?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question, cher collègue. Je me sens tout à fait à l’aise. Je me considère comme un homme intègre et je suis à l’aise de continuer à promouvoir les projets de loi du gouvernement ici, dans cette enceinte. Permettez-moi d’insister sur le fait que les projets de loi du gouvernement sont des projets de loi du gouvernement. Le NPD ne fait pas partie du gouvernement du Canada et, par conséquent, je suis tout à fait à l’aise de continuer à faire le travail que je fais du mieux que je peux. Je vous remercie.

Le sénateur Dagenais : Honorables sénateurs, je vous rappelle que le NPD n’a pas été choisi pour gouverner le Canada. Alors j’aimerais savoir si le leader du gouvernement ne trouve pas inacceptable et même honteux que nous soyons bientôt saisis de projets de loi qui sont le résultat d’une alliance qui ne s’aligne pas sur la volonté des Canadiens, telle qu’elle a été clairement exprimée lors d’une élection que je qualifierais d’inutile et d’extrêmement coûteuse, déclenchée par votre premier ministre, monsieur le leader, en 2021.

Le sénateur Gold : La réponse brève est non. Tout le monde dans cet endroit — nous, les parlementaires — comprend très bien comment fonctionne notre système démocratique. Il y a des élections. Vous choisissez un député pour votre circonscription et ensuite le gouvernement est formé par le parti qui a le plus de soutien dans la Chambre. Il n’est ni inacceptable, ni honteux, ni en dehors des normes parlementaires de notre système de Westminster qu’il y ait des accords et des arrangements entre les différents partis.

En terminant, j’aimerais souligner que la plupart des Canadiens — plus de 50 % — ont voté soit pour le Parti libéral, soit pour le NPD. Cela étant dit, cette entente entre les deux partis est tout à fait normale dans le cadre du système parlementaire que nous avons.

[Traduction]

La santé

La pandémie de COVID-19 — Les exigences liées à la vaccination

L’honorable Denise Batters : Sénateur Gold, il y a un mois, je vous ai demandé quand le gouvernement éliminerait les exigences fédérales en matière de vaccination. Le seul changement effectué depuis concerne l’exigence de subir un test de dépistage s’appliquant aux voyageurs pleinement vaccinés qui reviennent au Canada. Toutes les provinces planifient d’abandonner leurs exigences. Le gouvernement fédéral Trudeau n’a toujours aucun plan ni, semble-t-il, la moindre idée.

Le taux de vaccination du Canada étant de plus de 80 %, le temps est venu de redonner aux Canadiens leur liberté. Quand le gouvernement fédéral éliminera-t-il les exigences relatives à la vaccination et rendra-t-il leur liberté aux Canadiens?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénatrice, je vous remercie de votre question. Comme nous le savons tous, le gouvernement fédéral a apporté des modifications aux exigences relatives à la vaccination au cours de la pandémie. Il évalue l’état des connaissances scientifiques et les conseils qui lui sont prodigués, et continuera de le faire. Lorsque d’autres changements s’imposeront, éventuellement, ils seront annoncés en temps voulu.

La sénatrice Batters : Sénateur Gold, les règles du gouvernement Trudeau n’ont pas suivi le rythme de l’évolution du virus, et notamment du variant Omicron. Même les agences fédérales de santé du Canada n’ont pas jugé que les obligations générales de vaccination étaient nécessaires, et la Dre Theresa Tam a déclaré qu’elle pensait qu’elles devaient être revues. Des médecins qui ont témoigné devant le comité de la Chambre des communes hier ont déclaré que les exigences générales imposées par le gouvernement étaient coercitives, qu’elles présentaient des avantages limités et qu’elles avaient rendu les gens plus hésitants à se faire vacciner. Les médecins connaissent la science, sénateur Gold, et ils affirment que ces exigences ne sont pas nécessaires. Pourtant, le gouvernement Trudeau refuse toujours de les lever.

Sénateur Gold, si on ne se fonde pas sur la science pour décider du moment où il convient de lever les restrictions, sur quoi se fonde-t-on alors? La science politique ou le théâtre politique?

Le sénateur Gold : Avec tout le respect que je vous dois, sénatrice, ni l’un ni l’autre. La science est rarement unanime et donne souvent lieu à diverses opinions, comme cela est inévitablement le cas dans d’autres domaines. Le gouvernement continue d’évaluer les règles qu’il met en place, sa préoccupation première et absolue étant la santé et le bien-être des Canadiens.

Les affaires étrangères

L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord

L’honorable Larry W. Smith : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au sénateur Gold.

Sénateur Gold, l’agression et l’invasion récentes de l’Ukraine souveraine par la Fédération de Russie ont mis en évidence le besoin crucial pour le Canada d’accroître ses dépenses en matière de défense. Nos gouvernements successifs n’ont pas pris au sérieux la menace très réelle que représentent les adversaires étrangers non seulement pour notre souveraineté, mais aussi pour celle de nos alliés de l’OTAN. Le Canada continue de ne pas s’acquitter de ses obligations en matière de dépenses dans le cadre de l’OTAN et devient de plus en plus isolé dans un contexte mondial en mutation. Même les pays les plus pacifistes, comme l’Allemagne, commencent à revoir leurs politiques de longue date, reconnaissant la nécessité de respecter leurs obligations envers l’OTAN et de consolider leurs forces armées.

(1440)

Sénateur Gold, j’ai une question simple. Quand le gouvernement s’engagera-t-il à consacrer 2 % du PIB à la défense nationale, conformément à nos obligations actuelles envers l’OTAN?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Comme je l’ai dit au Sénat et comme l’a annoncé Mme Anand, la ministre de la Défense nationale, je pense que pas plus tard qu’hier le Canada évaluait et envisageait les changements ou les mesures à inclure dans le budget au titre des dépenses en matière de défense.

Je vais profiter de l’occasion pour rappeler au Sénat qu’il n’y a rien dans l’entente de soutien sans participation conclue entre le Parti libéral et le Nouveau Parti démocratique qui mine ou compromet l’engagement du gouvernement ou la vision qu’il a énoncée dans Protection, Sécurité, Engagement — la politique de défense du Canada —, qui a été très bien accueillie comme un pas important en avant. En tête de la lettre de mandat de la ministre figure l’assurance que les Forces armées canadiennes ont la capacité et la culture nécessaires pour faire face aux menaces actuelles et émergentes.

En ce qui concerne les dépenses en matière de défense, je souligne que le gouvernement est en train de les augmenter et de renverser des années de réductions. Fait notable, le Canada est maintenant le sixième contributeur en importance au budget de l’OTAN, qui est financé en commun. Le gouvernement a fait des investissements critiques et judicieux dans nos forces et a augmenté les dépenses de 70 % entre 2017 et 2026 afin que les Forces armées canadiennes disposent de l’effectif, de l’équipement, de l’entraînement et de la culture nécessaires pour accomplir les tâches difficiles que nous leur demandons.

Comme je l’ai dit au début, et je terminerai sur ce point, le gouvernement continue, de manière responsable, à évaluer un certain nombre d’options pour s’assurer de continuer à répondre énergiquement et efficacement à ses besoins en matière de défense, tant au pays qu’à l’étranger.

Le sénateur Smith : Sénateur Gold, ce qui est en cause, c’est que le Canada consacre 1,39 % de son PIB à la défense et qu’on nous a demandé d’y consacrer 2 %, car nous ne respectons pas nos obligations au sein de l’OTAN.

Pour poursuivre dans la même veine, Guy Thibault, vice-chef d’état-major de la Défense à la retraite, a été cité dans un article du Toronto Star au sujet de l’Arctique :

Cela deviendra de toute évidence une nouvelle frontière [...] Nous devrions nous préoccuper des agissements de la Russie non seulement en Europe de l’Est, mais partout dans le monde, et des intérêts de la Chine dans cette région.

La militarisation de la Russie et son empiétement dans le Nord, de même que le ramassis de promesses non tenues et de politiques ratées qui subsistent au Canada, laissent l’Arctique vulnérable depuis bien trop longtemps. Sénateur Gold, le gouvernement mettra-t-il enfin en place un plan d’action concret pour réaffirmer les revendications du Canada sur l’Arctique?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Encore une fois, comme je l’ai mentionné à d’autres occasions dans cette enceinte, le Canada est résolu à faire tout ce qui est en son pouvoir pour défendre sa souveraineté en Arctique. Il le fait déjà. Il y a notamment des investissements dans des actifs et de la formation, des mesures diplomatiques et d’autres choses du genre.

La tragédie du vol PS752 d’Ukraine International Airlines

L’honorable Michael L. MacDonald : Sénateur Gold, les familles des victimes du vol PS752 continuent de réclamer justice pour leurs proches qui ont été tués en janvier 2020, lorsque l’Iran a abattu un avion de passagers ukrainien avec des missiles fabriqués en Russie. Après l’invasion illégale de l’Ukraine par Vladimir Poutine, les familles des victimes du vol PS752 ont diffusé un communiqué déclarant leur solidarité avec le peuple ukrainien.

Dans une décision rendue en janvier de cette année, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a accordé 107 millions de dollars plus les intérêts aux familles des six victimes à bord du vol, qu’elles peuvent maintenant essayer d’obtenir avec la saisie, à l’étranger, de biens appartenant à des Iraniens. Sénateur Gold, que fait le gouvernement du Canada pour aider ces familles à percevoir l’argent accordé par la décision de la cour?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci. Le gouvernement du Canada a toujours soutenu les victimes de cette terrible tragédie. En ce qui a trait aux mesures précises qu’il entend prendre, je vais devoir me renseigner et revenir avec une réponse.

Le sénateur MacDonald : Sénateur Gold, hier, nous avons reçu une réponse écrite à une question de la sénatrice Martin. Elle avait demandé si le Canada poursuivrait l’Iran devant la Cour internationale de Justice. Comme la réponse reçue n’a pas vraiment répondu à la question, je vais vous la poser de nouveau.

Le gouvernement admet qu’il est inutile de poursuivre les négociations avec l’Iran. Est-ce que votre gouvernement va demander des comptes aux personnes responsables de ce crime en portant cette affaire devant la Cour internationale de Justice?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question, sénateur. Je n’en connais pas la réponse. Je vais devoir essayer de trouver la réponse.

La Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures

L’honorable Leo Housakos (leader suppléant de l’opposition) : Sénateur Gold, j’aimerais faire un suivi au sujet d’une question que j’ai déjà posée au sujet de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures. En 2017, le gouvernement Trudeau a prétendu que faire partie de ce groupe permettrait de créer des emplois pour la classe moyenne canadienne. Une question inscrite au Feuilleton du Sénat demandait simplement et logiquement combien d’emplois avaient été créés après que le Canada se soit joint à la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures en injectant des dizaines de millions, voire des milliards de dollars. Sans surprise, la réponse du gouvernement Trudeau ne contenait aucun chiffre. Nous n’en avons toujours aucun. Seulement trois entreprises canadiennes auraient signé des contrats liés à la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures.

Monsieur le leader, votre gouvernement a fait ces affirmations pour justifier le fait de rejoindre ce groupe et d’injecter des milliards de dollars de l’argent des contribuables. Pourquoi vous est-il impossible de trouver des chiffres pour étayer ces dires? Combien d’emplois ont été créés au Canada grâce à cet investissement des contribuables canadiens dans la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures?

Le sénateur Gold : Je n’ai pas ces chiffres sous la main, mais je vais certainement me renseigner et faire rapport.

Le sénateur Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, avec tout le respect que j’ai à votre égard, cela fait des mois et des semaines que nous demandons des informations sur ce sujet. Nous n’avons toujours pas de réponse claire. En sa qualité de membre de cette banque, le gouvernement Trudeau a versé plus de 200 millions de dollars à un régime qui a kidnappé des Canadiens et les a maintenus arbitrairement en captivité pendant des années. Pourtant, le gouvernement ne peut pas dire aux Canadiens combien d’emplois de la classe moyenne ont été créés, ce qui était la raison d’être de ce programme au départ.

Monsieur le leader, je vous le demande encore une fois. Pourquoi le Canada devrait-il demeurer membre de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures alors que cela fait des semaines et des mois que le gouvernement ne peut pas fournir au Sénat, une assemblée parlementaire, une réponse simple à une question simple?

Le sénateur Gold : Je vais soumettre à nouveau ma demande de réponse puis vous revenir avec l’information demandée dès que possible.


(1450)

ORDRE DU JOUR

La Loi constitutionnelle de 1867

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Dennis Glen Patterson propose que le projet de loi S-228, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (qualifications des sénateurs en matière de propriété), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je vous parlerai aujourd’hui du projet de loi S-228, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (qualifications des sénateurs en matière de propriété).

Il s’agit de la troisième fois que je tente de proposer un projet de loi sur cet enjeu, des versions similaires ayant toutefois été présentées par notre ancien collègue le regretté sénateur Tommy Banks. Je suis ému de mentionner le nom de ce cher collègue qui nous a malheureusement quittés, car je sais que le sénateur Banks avait été profondément touché quand, au moment où il avait pris sa retraite du Sénat, je lui avais dit que j’allais reprendre le flambeau de ce projet de loi.

Comme j’ai déjà fait plus d’un discours dans cette enceinte à propos de ce projet de loi, je serai bref.

Le projet de loi cherche à supprimer l’obligation pour tous les sénateurs de posséder un avoir net personnel d’au moins 4 000 $, de même que l’obligation relative à l’avoir immobilier d’une valeur d’au moins 4 000 $ pour tous les sénateurs, sauf pour le Québec. En plus de proposer ce projet de loi, je présente aussi une motion — dont je vais vous parler sous peu — qui porte sur les exigences en matière de propriété au Québec. Prêtez l’oreille, car je vous fournirai de plus amples détails plus tard aujourd’hui.

J’ai présenté ce projet de loi et la motion qui l’accompagne principalement pour deux raisons. La première est que ce projet de loi éliminerait un critère de sélection important pour les nouveaux sénateurs potentiels — un obstacle majeur pour certains. Je crois que lorsque nous entendons des Canadiens de diverses origines culturelles, de différentes confessions et de divers horizons, nous n’en sommes que meilleurs. La diversité est la force du Canada et devrait donc être représentée dans ses institutions. Au Sénat, notre diversité — heureusement — engendre des débats animés, riches et bien équilibrés et renforce notre capacité à nous exprimer sur des questions importantes pour les populations minoritaires et les préoccupations régionales. C’est l’un des mandats du Sénat, auquel je m’engage avec ardeur.

Cependant, en ce moment, nous avons des exigences qui ont été créées à l’origine pour tenir la masse à l’écart; nous avons des exigences qui ont cherché à garantir que cette vénérable institution n’était dirigée que par de riches propriétaires terriens censés tempérer la populace qui dirigeait l’autre endroit.

Voici les faits. Selon un article publié par l’organisme Consolidated Credit Canada en novembre 2021 :

Les Canadiens ont maintenant une dette moyenne de 1,73 $ pour chaque dollar qu’ils gagnent — un montant important, qui correspond à une dette de 2,1 billions de dollars pour tout le pays [...]

Selon un reportage de Global News du 16 février 2022 :

Le pouvoir d’achat des Canadiens a encore diminué le mois dernier, les salaires ayant été dépassés par un taux d’inflation annuel qui a excédé 5 % pour la première fois en plus de 30 ans.

En effet, selon Statistique Canada, l’inflation annuelle a atteint 5,1 % en janvier par rapport au gain de 4,8 % signalé en décembre [...], poussée par l’augmentation des coûts du logement, de l’essence et de l’épicerie.

Dans la même période, les salaires ont augmenté de 2,4 %; il y a donc un recul du pouvoir d’achat aggravé par la hausse du coût des produits de première nécessité comme les aliments, qui frappe souvent le plus durement les ménages à faible revenu.

Enfin, le National Post, dans un article du 17 juin 2021, a dressé la longue liste des facteurs qui ont contribué à la hausse record des prix de l’immobilier qui prive de nombreux Canadiens de la possibilité de devenir propriétaires. Cette liste comprend le fait que des investisseurs étrangers ont acheté « de grandes parties du marché immobilier canadien à titre de placement ».

Même si les acheteurs étrangers ne représentent qu’une portion relativement petite du marché immobilier dans son ensemble, le journal explique ceci :

[...] dans une ville donnée, seule une petite fraction du marché immobilier est mis en vente lors d’une année normale, et l’injection d’une quantité même modeste d’argent étranger peut faire pencher la balance et se traduire par l’achat de maisons à 1 million de dollars qui seront démolies pour en construire de nouvelles. Le prix des actions, par exemple, est souvent propulsé vers des sommets incroyables lorsqu’on offre d’acheter une petite partie des actions disponibles d’une société.

Un autre facteur mentionné dans la liste est celui du zonage municipal, qui favorise toujours les maisons unifamiliales isolées, et de la faible offre de terrains à bâtir, qui limite grandement la disponibilité de maisons alors que la population est toujours grandissante.

Selon le National Post :

[...] l’offre de logements par rapport au nombre d’habitants au Canada est inférieure à celle de n’importe quel autre pays du G7. Le taux d’immigration élevé au pays contribue à faire augmenter la demande, mais ce n’est pas une excuse pour le manque criant de logements. Proportionnellement, le nombre d’immigrants qui entrent au Canada est inférieur au nombre d’immigrants qui entrent en Allemagne, au Royaume-Uni et même en Suisse.

L’article décrit ensuite l’explosion des coûts de construction aggravée par la hausse des droits de mutation immobilière, l’augmentation de l’impôt municipal et les frais imposés aux constructeurs de résidences, auxquels on doit ajouter les problèmes touchant la chaîne d’approvisionnement et, comme le dit l’article, « un embrouillamini de règlements locaux ».

Je cite la suite de l’article :

Même avant que la hausse récente du coût du bois d’œuvre et d’autres matériaux ne frappe par surprise l’industrie de la construction, les coûts liés à l’approbation et à la construction d’une maison canadienne moyenne avaient déjà commencé à grimper progressivement. Comme bon nombre de Canadiens parviennent à peine à se maintenir dans la catégorie des propriétaires, chaque nouveau prix exclut du marché un autre segment de la population.

Chers collègues, je suis certain que vous saviez déjà tout ce que je viens de dire. Cela fait des années que nous entendons parler de la hausse du coût de l’inflation et des salaires qui n’augmentent pas au même rythme que le prix des aliments et d’autres biens essentiels. Nous savons que des Canadiens perdent l’accès à la propriété en raison des prix élevés. Il faut tenir compte de cette réalité lorsque nous discutons du projet de loi.

Il y a des gens de la classe moyenne dans la trentaine ou la quarantaine qui ont l’impression qu’ils n’auront jamais accès à la propriété. Certains vivent dans nos sous-sols. Dans 20 ans, ces futurs leaders de leur domaine qui méritent d’être entendus ne seront pas admissibles au Sénat. En maintenant ces exigences en place, nous reculons au lieu d’avancer. Nous retournons à l’époque où seuls les riches propriétaires terriens avaient le privilège de prendre part aux travaux de la Chambre haute.

Je pense souvent à un article de CBC paru le 12 août 2016 qui s’intitule « La condition relative à la propriété dissuade une femme de Stratford de présenter sa candidature au Sénat, mais pas une femme mi’kmaq ».

L’article raconte l’histoire de deux femmes de l’Île-du-Prince-Édouard qui souhaitaient être nommées au Sénat. Kelly Robinson, une résidante de longue date de cette province qui est bien connue pour avoir travaillé dans des organismes sans but lucratif et communautaires, était consternée par l’obligation de posséder une propriété de 4 000 $. Elle a dit ceci :

Cela m’a paru remonter à l’époque où seuls les propriétaires terriens pouvaient voter et occuper certaines fonctions [...] Je me suis dit que cela ne ressemblait pas au Canada que je connaissais ou que je pensais connaître. Je crois que c’est une règle très ancienne qui n’a toujours pas été remise en question comme il se doit.

La deuxième femme, c’est la cinéaste mi’kmaq Eliza Knockwood de l’Île-du-Prince-Édouard, qui ne possédait pas une propriété d’une valeur de 4 000 $. Elle a néanmoins posé sa candidature, ses partisans s’étant engagés à trouver une solution si elle était nommée. Toutefois, bien que cela eut été possible selon l’ancienne méthode de nomination des sénateurs — comme dans le cas bien connu de la sénatrice Peggy Butts, une religieuse ayant fait vœu de pauvreté —, mes collègues actuels savent que le Comité de sélection n’examinera pas une candidature sans que celle-ci réponde à toutes les exigences de base, notamment pour l’âge, le lieu de résidence, la valeur nette et la propriété. De combien d’autres points de vue éclairés nous privons-nous ici aujourd’hui en raison de ces exigences archaïques?

La deuxième raison — plus personnelle celle-ci — pour laquelle je persiste à réclamer ce changement, c’est que je suis un des rares Nunavois à posséder une propriété à titre franc. Les Nunavummiuts ont renforcé par une série de plébiscites le principe inuit voulant que personne ne possède la terre. Hormis les terres publiques et quelques lopins bénéficiant de droits acquis, les propriétaires immobiliers possèdent la structure du bâtiment, mais ils louent le terrain sur lequel celui-ci se trouve.

Selon le paragraphe 23(3) de la Loi constitutionnelle de 1867, qui porte sur les qualités exigées des sénateurs, « Il » — et je souligne à quel point cela est archaïque du fait qu’on présume toujours que seuls des hommes sont nommés au Sénat; mais cela relève d’une autre question. Voyons si vous pouvez comprendre ceci, chers collègues :

Il devra posséder, pour son propre usage et bénéfice, comme propriétaire en droit ou en équité, des terres ou tenements tenus en franc et commun socage, — ou être en bonne saisine ou possession, pour son propre usage et bénéfice, de terres ou tenements tenus en franc-alleu ou en roture dans la province pour laquelle il est nommé [...]

En m’appuyant sur ma formation en droit, je peux vous assurer que plus personne n’utilise des expressions comme « commun socage », et ce, depuis de nombreuses années.

Plus important encore, j’estime que l’exigence d’un titre franc rend strictement inadmissibles non seulement les Inuits du Nunavut, mais également les propriétaires des Premières Nations qui détiennent des terres au moyen de certificats de possession accordés par le ministre — ou des terres visées par un CP, comme on les appelle parfois —, qui sont techniquement louées au gouvernement du Canada. Les propriétaires de condominiums pourraient même ne pas être admissibles — les avis sont partagés — étant donné que le terrain est techniquement détenu par la société de copropriété.

(1500)

Honorables sénateurs, rien ne justifie ces exigences. La capacité d’une personne à exercer ses fonctions n’a rien à voir avec le fait qu’elle soit propriétaire ou qu’elle ait un avoir net donné. Voici ce qu’a déclaré la Cour suprême du Canada dans un jugement qu’elle a rendu le 25 avril 2014 en réponse à une série de questions du renvoi relatif à la réforme du Sénat lancée par l’ancien premier ministre Stephen Harper :

Nous concluons que le Parlement peut agir seul, en vertu de la procédure de modification unilatérale fédérale, pour abroger la condition relative à l’avoir net : par. 23(4). L’abrogation complète du par. 23(3) requiert toutefois le consentement de l’assemblée législative du Québec, suivant la procédure sur les arrangements spéciaux. En effet, l’abrogation complète de la condition relative à l’avoir foncier (par. 23(3)) constituerait également une modification du par. 23(6), qui prévoit un arrangement spécial applicable uniquement à la province de Québec.

Je reviendrai sur cet arrangement spécial lors de mon prochain discours sur la motion que je présenterai aujourd’hui. Cependant, j’aimerais terminer mon intervention en soulignant que cette décision précise que le Parlement peut effectivement abroger unilatéralement la condition relative à l’avoir net pour tous les sénateurs de même que la condition relative à l’avoir foncier pour tous les sénateurs, à part ceux du Québec. C’est ce que ce projet de loi cherche à faire. Nous n’avons pas besoin de nous prévaloir de la formule de modification et de faire participer les provinces, sauf pour le Québec, qui est un cas à part comme je l’ai mentionné.

Chers collègues, j’espère pouvoir compter sur votre appui pour ce projet de loi visant à moderniser et à réformer le Sénat. Merci, qujannamik.

Des voix : Bravo!

L’honorable Mary Coyle : Avant de poser une question à l’honorable sénateur, j’aimerais d’abord le remercier grandement de son discours. Je le remercie de poursuivre inlassablement ses efforts pour redresser ce tort. Comme vous l’avez dit, c’est une source d’embarras. C’est un anachronisme. Il est temps de changer les choses. J’espère que nous aurons un peu plus de temps durant cette législature pour le faire. J’espère que cela ne prendra pas des années et que nous pourrons y parvenir au cours de la présente législature.

Pouvez-vous nous dire pourquoi cela a pris tant de temps? Quels ont été les obstacles qui nous ont empêchés jusqu’à présent d’éliminer ces conditions relatives à l’avoir net et foncier qui sont nécessaires pour que les Canadiens puissent devenir sénateurs et se joindre à nous dans cette enceinte? Pouvez-vous nous dire quels sont ces obstacles?

Le sénateur Patterson : Oui. Merci de cette question. Lorsque le regretté sénateur Tommy Banks a porté ce projet de loi, nous ne disposions pas des indications que la Cour suprême a clairement données dans la décision que je viens de citer. Cette décision est claire comme de l’eau de roche et elle vient de l’autorité la plus élevée — la Cour suprême —, qui nous a indiqué que la modification que je propose peut être simplement adoptée par le Parlement du Canada, soit la Chambre des communes et le Sénat.

À cette époque, l’éventualité d’une modification constitutionnelle représentait une épée de Damoclès, car il aurait alors fallu invoquer la formule de modification et demander aux provinces de participer. Certains d’entre nous connaissent la chanson après avoir vécu le rapatriement de la Constitution et les accords du lac Meech et de Charlottetown. Je crois que personne n’a envie au Canada de repasser au travers de ces fastidieuses procédures pour modifier la Constitution.

Cette menace obscurcissait le débat à l’époque. Aujourd’hui, nous pouvons effectuer cette modification, comme le dit clairement la Cour suprême, avec un simple consentement de la Chambre des communes et du Sénat. Je pense donc que le climat est plus propice à ce que nous envisagions cette question, car ce ne serait pas plus compliqué que la modification de la Loi sur la Saskatchewan que nous venons de faire au Sénat, ou que d’autres dossiers qui ont été présentés par les provinces pour modifier la Constitution dans les domaines où le Parlement est compétent.

Cette écharde nous a maintenant été retirée du pied. J’espère que cela répond à votre excellente question : pourquoi n’avons-nous pas déjà supprimé cette évidente et injuste anomalie? Je vous remercie de votre soutien.

L’honorable Colin Deacon : Sénateur Patterson, accepteriez‑vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Patterson : Oui.

Le sénateur C. Deacon : Je fais écho aux paroles de la sénatrice Coyle en ce sens que j’appuie vos efforts et vous en suis reconnaissant. Je me demandais simplement si vous avez examiné quelle était la justification à l’origine. Pourquoi cette condition a‑t‑elle été mise en place par le passé? Vos recherches ont-elles mis au jour le moindre obstacle à ce que ce projet de loi franchisse enfin les étapes au Sénat et à la Chambre des communes?

Le sénateur Patterson : Je vous remercie de cette question, sénateur Deacon. Je crois que cette anomalie remonte aux origines de notre système parlementaire fondé sur le modèle de Westminster, à l’époque où il y avait les Whigs et les Tories et où les propriétaires fonciers étaient considérés comme étant plus compétents pour prendre des décisions concernant le peuple que la populace qui formait la Chambre des communes et qui n’était pas propriétaire foncière. À cette époque, on considérait que les riches étaient les meilleures personnes pour gouverner.

Une longue histoire de classes sociales sous-tend cette distinction de privilège pour les riches, l’exigence en matière de valeur nette et celle du titre de propriété foncière, et elle n’est nettement pas égalitariste. De toute évidence, le Canada, en tant que pays offrant des possibilités à tous, y compris la possibilité de participer à cette auguste Chambre haute, ne se perçoit pas ainsi. Les origines de cette condition sont enfouies dans l’histoire. Le libellé que j’ai lu décrivant l’exigence relative à la propriété et ne se rapportant qu’aux hommes est également un vestige du passé, de l’époque où l’on considérait les hommes comme étant mieux qualifiés pour prendre des décisions concernant le public au Parlement. De toute évidence, il s’agit encore là d’une exigence très archaïque et élitiste.

Il n’y a pas de quoi être fier que cette disposition injuste issue de notre histoire se trouve toujours dans la Constitution du Canada. Débarrassons-en nous. Merci.

Son Honneur le Président : Sénateur Patterson, d’autres sénateurs ont des questions. Êtes-vous prêt à y répondre?

Le sénateur Patterson : Je le suis, sous réserve de la volonté du Sénat. Merci.

L’honorable Paula Simons : Sénateur Patterson, je suis d’accord avec vous. Les origines de cette condition remontent à 1867, l’année où — et ce n’est pas un hasard — la Grande-Bretagne a adopté le projet de loi sur la réforme qui accordait le suffrage universel aux hommes et prévoyait la création du Sénat, une institution s’inspirant étroitement de la Chambre des lords, et où siégerait ce qui se rapprochait le plus de la noblesse terrienne, au Canada.

Je suis particulièrement sensible à ce projet de loi et au legs de mon cher ami Tommy Banks. Je suis simplement curieuse de savoir comment nous pourrions alors nous assurer que les sénateurs vivent bien dans les provinces qu’ils sont censés représenter. Je me souviens de mon propre processus de sélection au cours duquel j’ai dû fournir, je crois, quatre preuves que j’étais bel et bien propriétaire de ma maison et que j’y résidais.

Comment pourrions-nous mettre en place un système permettant de s’assurer que les sénateurs résident bel et bien dans les provinces qu’ils sont censés représenter sans avoir à prouver qu’ils sont propriétaires de leur résidence?

Le sénateur Patterson : Je suis ravi que vous ayez posé cette question, sénatrice Simons, car je me fais une joie de préciser que ce projet de loi n’affaiblira pas les exigences énoncées dans les qualifications des sénateurs, qui indiquent que ceux-ci se doivent de résider dans la province ou le territoire qu’ils représentent.

(1510)

C’est un des éléments centraux des qualifications requises pour un sénateur si on pense au mandat que nous avons de représenter les régions. La nécessité d’habiter dans la région est importante et elle ne serait pas changée par cette modification. Cependant, cela fait-il vraiment une différence si vous habitez dans une maison mobile, si vous êtes dans une réserve des Premières Nations ou si vous habitez dans une tente? Est-ce que cela a un effet sur votre aptitude à représenter votre région? Non. Être propriétaire foncier ne vous rend pas plus digne de parler au nom de votre région. Ce qui importe, c’est que vous habitiez dans cette région. Le type de résidence où vous habitez n’a pas d’incidence. Cela demeurera vrai si ce projet de loi est adopté. Merci.

L’honorable Marty Deacon : Merci de votre travail, sénateur Patterson. Je crois que nous avons tous bien examiné le projet de loi et je crois également que cela nous a amenés à repenser aux termes employés et à l’utilisation de ces termes dans le processus de mise en candidature. Tant qu’à travailler à ces questions importantes, nous pouvons nous demander comment le Canada veut se percevoir, ce qu’il aspire à devenir.

Pendant que vous passiez minutieusement en revue toute l’information, y a-t-il d’autres éléments qui vous ont frappé dans le texte, y a-t-il des moments où vous vous êtes dit qu’il fallait aussi penser à A, B et C, sans pour autant avoir à modifier de façon majeure d’autres lois? Est-ce que cela est arrivé pendant votre travail de préparation? Merci.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie de votre question, sénatrice Deacon. Je remercie les sénateurs des témoignages d’appui que j’ai entendus aujourd’hui. Je suis ému par la perspective de pouvoir, avec votre appui, modifier la loi constitutionnelle. C’est une possibilité qui remplirait d’humilité tout législateur canadien.

Pour répondre brièvement à votre question, la modification de cette disposition manifestement insensée et inéquitable de la loi constitutionnelle qui porte sur les qualifications d’un sénateur, des qualifications que les sénateurs ici présents connaissent très bien, représente une mesure importante. Nous avons tous dû faire preuve de diligence raisonnable pour prouver que nous répondions à ces critères. Je pense que la modification de cette disposition est une étape importante. Par conséquent, sénatrice Deacon, la réponse courte est non. Je ne me suis pas penché sur d’autres lacunes ou mots anciens et inappropriés dans la loi constitutionnelle. Je me suis concentré sur ce problème-ci. Merci.

L’honorable Frances Lankin : Merci, sénateur Patterson. Accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Patterson : Oui.

La sénatrice Lankin : Je vous remercie. Permettez-moi également d’exprimer mon appui sans réserve à ce que vous tentez de faire. J’ai vu cette mesure progresser au fil des ans et je me demande parfois pourquoi les choses prennent autant de temps.

Je suis également très consciente de notre besoin d’étudier les propositions en profondeur pour vérifier qu’il n’y a pas de conséquences imprévues. Toutefois, étant donné que le Sénat a déjà été saisi de cette question, je me demande si nous ne devrions pas la renvoyer au comité et commencer l’étude. Ayant examiné le plumitif, je sais qu’on s’est entendu pour demander probablement l’ajournement, mais je vous demande d’envisager la possibilité que cette étape ne soit pas nécessaire. Êtes-vous prêts à demander le vote si le Sénat le souhaite? J’aimerais certainement que ce projet de loi soit renvoyé au comité et que nous puissions faire avancer le dossier. Merci.

Le sénateur Patterson : Sénatrice Lankin, votre question est de la musique à mes oreilles. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un projet de loi important qui devrait être étudié, probablement par le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. J’aimerais que ce comité se penche sur cette question, mais vous avez raison; le facteur temps est primordial. Je n’ai moi-même plus beaucoup de temps au Sénat et j’aimerais que ce projet de loi avance pendant que je suis encore parmi vous.

Je serais donc très ouvert à l’idée de permettre au comité de faire son important travail par rapport à ce projet de loi et à d’autres projets de loi présentés au Sénat. Je vous remercie de cette suggestion et je verrais d’un bon œil qu’on demande le vote à la première occasion, étant donné que cet enjeu existe depuis des décennies au Sénat. Merci.

(Sur la motion du sénateur Wells, le débat est ajourné.)

Projet de loi de Jane Goodall

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Marty Klyne propose que le projet de loi S-241, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial (grands singes, éléphants et certains autres animaux), soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, du territoire visé par le Traité no 4 et des terres ancestrales des Métis, c’est avec humilité que je prends la parole en tant que parrain de la « loi Jane Goodall ». J’ai assumé cette responsabilité avec la bénédiction de Mme Jane Goodall et de l’honorable Murray Sinclair. Ils avaient présenté ensemble une version antérieure de cette mesure sur la protection des animaux à la fin de 2020. Comme vous le savez, ce projet de loi vise à protéger les animaux sauvages en captivité et à s’attaquer au commerce international non viable d’espèces sauvages.

Je remercie Mme Goodall et le sénateur Sinclair de leurs conseils et de leur soutien dans la préparation de cette nouvelle édition du projet de loi au cours de la dernière année. Nous sommes très reconnaissants de l’importante contribution d’une solide et nouvelle coalition qui appuie ce projet de loi. On retrouve parmi ses partisans les principaux zoos du pays : le zoo de Toronto, le zoo de Calgary, le zoo de Granby, le parc et zoo Assiniboine, à Winnipeg, et le Biodôme de Montréal.

D’importants organismes de défense des droits des animaux comptent aussi parmi les partisans de ce projet de loi : l’Institut Jane Goodall du Canada, Humane Canada, Animal Justice, Protection mondiale des animaux, Humane Society International/Canada et Zoocheck Canada. Les contributions les plus intéressantes de cette coalition sont sans doute de nouvelles protections juridiques pour les grands félins, les ours, les loups, les hyènes, les phoques, les lions de mer, les morses, certains primates et les reptiles dangereux comme les crocodiles, les alligators, les pythons géants et les serpents venimeux qui vivent en captivité. En tout, ce projet de loi interdit aux petits zoos privés de posséder plus de 800 espèces sauvages en captivité.

Pour mettre les choses en contexte, plus de 4 000 grands félins sont détenus par des particuliers au Canada. On signale de mauvaises conditions, des problèmes de sécurité et un manque de surveillance. Pour vous donner une idée du nombre d’animaux sauvages en captivité, il existe entre 100 et 150 attractions fauniques au Canada. Les animaux qui s’y trouvent pourraient être protégés aux termes de cette loi. Par ailleurs, des particuliers seraient propriétaires d’environ 1,5 million d’animaux exotiques partout au pays.

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Tout comme le projet de loi initial, le projet de loi S-241 mettrait progressivement fin à la tenue en captivité d’éléphants au Canada. Le Zoo de Granby a annoncé qu’il cesserait progressivement de maintenir des éléphants en captivité. Je félicite Paul Gosselin, le PDG du Zoo de Granby, de son leadership à cet égard. Il y a actuellement plus de 20 éléphants en captivité, à quatre endroits au Canada.

La Loi de Jane Goodall appuie la poursuite des mesures de conservation des grands singes du Canada et des programmes de science aux zoos de Toronto, de Calgary et de Granby, sous réserve de certaines conditions.

Tout comme le projet de loi initial, en vertu de la « disposition de Noé », le Cabinet fédéral peut étendre la protection de la loi à d’autres animaux sauvages, en tenant compte de facteurs liés à leur bien-être en captivité. Le projet de loi accorde également un statut légal restreint aux espèces visées, ce qui permettra l’émission d’ordonnances selon les intérêts supérieurs des animaux, notamment concernant leur réintégration dans leur habitat naturel, et établit des sanctions pécuniaires concernant la reproduction illégale de ces animaux ou leur utilisation à des fins de divertissement ou comme moyen de transport, ce qui inclut les tours d’éléphant.

Je suis reconnaissant que cette coalition hors pair de porte‑paroles des animaux appuie le projet de loi S-241, la Loi de Jane Goodall. Dans quelques minutes, je vous ferai part de leurs messages. J’espère que d’autres organismes canadiens examineront de près ce projet de loi positif fondée sur des données probantes et qu’ils lui accorderont eux aussi leur soutien.

Nous proposons un vaste ensemble de mesures qui tiennent compte avant tout des animaux. Un travail d’équipe fait avec conviction peut faire pencher la balance en faveur de l’adoption de la Loi de Jane Goodall pendant la législature actuelle. Comme certains le diront, les animaux ne peuvent pas se permettre d’attendre. Si nous travaillons rapidement ensemble, le Sénat et, surtout, le Canada peuvent donner l’exemple en cette période charnière pour le bien-être des animaux et la conservation de la faune. Mme Goodall et bien d’autres comptent sur nous.

Comme l’ancien sénateur Sinclair l’a indiqué, la Loi de Jane Goodall fait fond sur l’excellent travail que le Sénat a déjà réalisé dans les dernières années afin de protéger les animaux. Parmi ces réalisations, mentionnons les mesures législatives proposées par l’ancien sénateur Willie Moore à l’égard des baleines et des dauphins, le projet de loi du sénateur MacDonald sur l’interdiction visant les nageoires de requin, les efforts exceptionnels du sénateur Harder pour faire adopter ces deux politiques, le projet de loi de l’ancienne sénatrice Carolyn Stewart Olsen visant à interdire les essais de cosmétiques sur des animaux, dont les mesures font maintenant l’objet d’engagements électoraux de la part des ministériels et de l’opposition, le parrainage, par la sénatrice Boyer, du projet de loi C-84, visant à combattre la cruauté envers les animaux, ainsi que le parrainage, par la sénatrice Bovey et le sénateur Christmas, de projets de loi d’initiative ministérielle visant à protéger les habitats aquatiques.

Je sais également que le sénateur Dalphond veut renforcer le projet de loi S-5 pour mettre fin aux essais de produits chimiques sur des animaux d’ici 2035, ce qui remplirait un autre engagement électoral. Vous avez mon appui, Pierre.

Maintenant que j’ai rappelé aux sénateurs en quoi consiste le cadre législatif proposé dans le projet de loi, je vais expliquer les trois principaux changements qui se trouvent dans cette nouvelle version. Je remercie sincèrement les conseillers et le Bureau du légiste du Sénat du travail exceptionnel qu’ils ont réalisé afin d’établir les objectifs stratégiques de la Loi de Jane Goodall.

Les trois principaux changements à cette mesure législative sont les suivants : un cadre législatif pour les organismes animaliers qui répondent à cinq critères transparents et accessibles; de nouvelles protections pour des centaines d’espèces mentionnées plus tôt, avec des mises à jour des politiques sur les éléphants et les grands singes; et plus d’efforts pour remédier au commerce mondial insoutenable des espèces sauvages.

Avant de rentrer plus dans les détails, je voudrais parler des valeurs. Cette loi permet de marier la science occidentale et les connaissances autochtones sur la nature. Ces connaissances nous montrent qu’il est urgent d’agir pour protéger les espèces sauvages, car beaucoup font l’objet de cruauté et sont menacées d’extinction aujourd’hui même. J’ose espérer que de nombreux sénateurs reconnaîtront l’urgence et la gravité de la situation, et qu’ils appuieront cette initiative.

Fondée sur des données scientifiques, la Loi de Jane Goodall permettrait de créer les protections les plus strictes du monde pour les espèces sauvages en captivité, en renforçant les lois visant à protéger les baleines et les dauphins et en améliorant les efforts de conservation.

La société commence à prendre conscience de l’authentique nature des animaux, grâce aux recherches scientifiques comme celles de Mme Goodall sur les chimpanzés, ou encore grâce aux incroyables documentaires réalisés par sir David Attenborough et d’autres personnes. Il est parfaitement clair que la science, l’empathie et la justice doivent nous amener à faire des modifications législatives pour beaucoup d’autres espèces sauvages. Avec ce projet de loi, les lois canadiennes devront respecter les besoins et caractéristiques biologiques et écologiques de ces animaux, et protéger leur vie sur notre planète.

Sénateurs, c’est tout un honneur pour moi de vous transmettre un message de la personne qui a inspiré le nom de ce projet de loi, Jane Goodall, dame commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique, conservationniste de renommée mondiale, fondatrice de l’Institut Jane Goodall et messagère de la paix des Nations unies.

Aujourd’hui, c’est un jour important pour les animaux. Un si grand nombre d’entre eux ont désespérément besoin de notre aide et la Loi de Jane Goodall prévoit des mesures de protection et de soutien pour les animaux en captivité. C’est un pas de géant pour les animaux, les gens et l’environnement. Je suis honorée de prêter mon nom à cette mesure législative de calibre mondial qui jouit de l’appui d’une formidable coalition composée du gouvernement, de conservationnistes, de groupes de défense des animaux et de zoos accrédités. Ensemble, nous serons la voix de ces animaux qui ne peuvent pas se faire entendre et nous mettrons fin à cet horrible fléau qu’est le trafic d’espèces sauvages.

La Loi de Jane Goodall prend appui sur la science et les valeurs des peuples autochtones. Dans le préambule du projet de loi, on retrouve l’expression « toutes mes relations », qui désigne, pour les Autochtones, l’idée selon laquelle toutes les formes de la Création sont interdépendantes et en relation les unes avec les autres. La Commission de vérité et réconciliation du Canada appelle les humains à se réconcilier avec la planète, en rétablissant la réciprocité et le respect mutuel. On peut lire ce qui suit dans son rapport : « Les lois micmaques et les autres lois autochtones insistent sur le fait que les humains doivent parcourir les étapes de la vie en conversant et en négociant avec toutes les créatures. »

Ces dernières années, au Sénat, la représentation autochtone a renforcé les lois sur la protection des animaux et de l’environnement. Nous avons entendu des discours percutants de la part de sénateurs autochtones, qui ont guidé le Sénat vers le respect de la nature et qui l’ont inspiré à agir à titre de conseil des aînés du Canada. La Loi de Jane Goodall vise à poursuivre les progrès.

L’auteur du projet de loi, notre ancien collègue et le président de la Commission de vérité et réconciliation, l’honorable Murray Sinclair, aimerait partager sa vision de la Loi de Jane Goodall.

Le projet de loi favorisera la réconciliation avec le monde naturel. Lorsqu’on traite bien les animaux, on resserre les liens qui nous unissent à toute la création et on agit à la fois dans le respect de soi et le respect mutuel. Je suis honoré que le sénateur Klyne parraine le projet de loi. C’est une façon inspirante de poursuivre les efforts légendaires de Mme Goodall pour aider les animaux.

Honorables sénateurs, comme l’a souligné notre ancien collègue, les mesures du projet de loi respectent pleinement les pratiques et les métiers liés à la cueillette durable des Autochtones. Les peuples autochtones ont entretenu des relations de gratitude et d’intendance avec les animaux depuis des temps immémoriaux. Pour communiquer et souligner notre respect pour les droits inhérents des Autochtones, le projet de loi contient une disposition qui confirme qu’il ne porte pas atteinte à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Avant d’étudier les trois grandes modifications qu’apporte le projet de loi, examinons la manière dont la Loi de Jane Goodall fonctionnerait. À l’instar des lois visant les cétacés et les dauphins, le projet de loi S-241 légifère à l’intérieur du champ de compétence fédéral sur des questions de cruauté envers les animaux et de commerce international et interprovincial de ces derniers. Le projet de loi interdit l’acquisition et l’élevage des espèces visées, et exige des licences délivrées par Environnement et Changement climatique Canada pour pouvoir poursuivre ces activités, ainsi que des licences de transport pour traverser les frontières nationales et provinciales.

Le projet de loi maintient les populations actuelles, tous les animaux restant sur place. Le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial compétent peut accorder un permis pour une nouvelle mise en captivité, notamment pour la reproduction ou l’intérêt supérieur des animaux en ce qui concerne le bien-être individuel et la conservation, ou pour la recherche scientifique non dommageable.

On prévoit un double pouvoir de délivrance de permis, dans certains contextes, parce que l’on reconnaît que le sujet des animaux captifs non domestiques relève d’une compétence fédérale et provinciale partagée, en ce qui concerne la cruauté envers les animaux et les droits de propriété et civils. Le préambule du projet de loi fait état de cette dualité constitutionnelle. Le Canada dispose de ce cadre au moins depuis 1892, lorsque le Parlement a adopté les articles du Code criminel portant sur la cruauté envers les animaux. Aujourd’hui, le projet de loi S-241 adopte la même approche juridictionnelle en matière de délivrance de permis que les lois sur les baleines et les dauphins.

En outre, la Loi de Jane Goodall interdit l’utilisation des espèces concernées dans les spectacles de divertissement ainsi que les promenades à dos d’éléphant, à moins qu’elles ne soient autorisées par un gouvernement provincial. Cela s’applique aux lions de mer et aux morses de Marineland à Niagara Falls et aux éléphants de l’African Lion Safari près d’Hamilton. Le gouvernement fédéral ne serait pas en mesure d’accorder de tels permis afin de décourager l’autorisation de ces activités.

Sénateurs, avant d’explorer les changements et les mises à jour, je suis ravie de vous citer les paroles de partisans de la Loi de Jane Goodall, une forte coalition qui comprend les principaux zoos et organisations de défense des animaux du Canada.

Les zoos de Toronto, de Calgary, de Granby et du parc Assiniboine de même que le Biodôme de Montréal ont exprimé leur appui envers la Loi de Jane Goodall. Ils ont aussi fourni leur expertise sur les nouvelles mesures de protection pour les grands félins et d’autres espèces, ainsi que sur d’autres éléments du projet de loi.

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Ces cinq zoos canadiens sont membres de l’Association of Zoos and Aquariums, ou AZA, l’organisme d’accréditation ayant les normes les plus élevées dans le domaine en Amérique. Ces grands zoos accueillent une très grande partie des visites annuelles de jardins zoologiques au Canada. Par exemple, avant la pandémie, le zoo de Calgary avait près de 100 000 membres et près de 1,5 million de visiteurs par année, et ces chiffres sont en plein rebond. Le Zoo de Granby avait 42 000 membres et 830 000 visiteurs par année. Avant la pandémie, le zoo de Toronto accueillait 1,3 million de visiteurs chaque année. Au sortir de la pandémie, ce zoo a un nombre record d’adhésions, soit plus de 37 000, ce qui représente plus de 100 000 personnes.

Honorables sénateurs, le PDG du zoo de Toronto, Dolf DeJong, a affirmé ceci:

Nos zoos ont une longue tradition de soutien des efforts de conservation de la faune au Canada et partout dans le monde. Notre engagement envers le bien-être des animaux, la conservation, la science et les programmes d’éducation est vital à la survie de nombreuses espèces. [...] Le zoo de Toronto est fier de soutenir la Loi de Jane Goodall, car elle représente une étape essentielle pour la protection des animaux sauvages.

Le Dr Clément Lanthier, PDG de l’institut Wilder et du zoo de Calgary et président de l’Association mondiale des zoos et des aquariums a dit:

Chaque jour dans les principaux zoos du Canada, des équipes remarquables de spécialistes dévoués veillent à ce que les animaux que nous aimons obtiennent des soins exceptionnels. La Loi de Jane Goodall assurera le bien-être d’innombrables animaux en captivité partout au Canada.

Au sein de notre coalition, je suis heureux d’indiquer que six grandes organisations canadiennes de défense des animaux appuient ce projet de loi. Ces organisations ont également apporté leur expertise au projet de loi, notamment pour la protection de nouvelles espèces, la réintégration dans des réserves d’animaux vivant dans des conditions inadéquates et le commerce international d’espèces sauvages.

L’Institut Jane Goodall du Canada constitue l’équipe canadienne de Mme Goodall. Cette équipe se sert de la conservation communautaire pour inciter les gens à agir à l’égard de la biodiversité, des changements climatiques, des inégalités environnementales au Canada et de l’habitat des chimpanzés en Afrique. Nous remercions chaleureusement cette équipe, qui a défendu la vision de Jane Goodall pour ce projet de loi.

Barbara Cartwright est la PDG de Humane Canada, la fédération nationale des SPCA et des sociétés de protection des animaux. Elle a joué un rôle clé dans la présentation de la Loi de Jane Goodall. Elle a dit ceci :

La Loi de Jane Goodall constitue une évolution majeure pour le bien-être animal au Canada. La protection des animaux sauvages ou vivant en captivité indique un virage inédit du Parlement vers une vision intégrée à l’égard des animaux, des humains et de l’environnement.

Camille Labchuck est avocate et directrice générale d’Animal Justice, la seule organisation nationale de défense des droits des animaux au Canada. Selon elle :

La Loi de Jane Goodall est un progrès encourageant vers l’amélioration de la législation obsolète sur la protection des animaux au Canada [...] Animal Justice est ravi de constater que le projet de loi conférerait aux animaux un statut légal bien défini devant les tribunaux. Cette mesure révolutionnaire permettrait de s’assurer que le système judiciaire priorise leur bien-être.

À l’instar de l’Institut Jane Goodall du Canada, Protection mondiale des animaux Canada est un chef de file dans le domaine du commerce mondial des animaux sauvages. Les représentants de cet organisme nous fourniront une aide précieuse lors de la formulation de recommandations et de modifications réglementaires sur le sujet. Voici les propos de Melissa Matlow, leur directrice de campagne :

Ce projet de loi historique fera du Canada un chef de file mondial de la protection de la faune et du bien-être des animaux. Il est urgent de prendre des mesures à l’égard du commerce non durable des animaux, afin de prévenir la cruauté, l’extinction et d’autres pandémies.

La Humane Society International/Canada, ou la section canadienne de la société internationale de protection des animaux, possède une expertise sur le commerce mondial des animaux sauvages, notamment sur l’ivoire d’éléphant et la relocalisation des animaux dans des sanctuaires. Je cite la directrice générale, Rebecca Aldworth :

La section canadienne de la société internationale de protection des animaux a vu les souffrances et les conditions déplorables dans lesquelles vivent les animaux dans les zoos non gérés par des professionnels. L’organisme a retiré des centaines d’animaux de ce genre d’installations. Nous appuyons totalement ce projet de loi sans précédent, qui aiderait à prévenir la cruauté et la négligence, comme le veulent les Canadiens soucieux du bien-être des animaux sauvages en captivité.

Zoocheck est un autre organisme de défense des animaux. Il surveille les conditions des animaux sauvages qui vivent en captivité au Canada et leur nombre, en plus de militer pour leur protection. Depuis 1988, Zoocheck défend cette cause sans relâche. Rob Laidlaw, un biologiste et le fondateur de Zoocheck, a fourni à notre coalition des données qui ont orienté les nouvelles mesures de protection de ce projet de loi. M. Laidlaw est responsable de l’inclusion de dizaines d’espèces. Il a dit ce qui suit :

Zoocheck est très heureux de soutenir la Loi de Jane Goodall. Cette mesure législative réfléchie, proactive et longtemps attendue fera du Canada une société plus bienveillante pour les animaux et plus sécuritaire pour les Canadiens en réduisant le nombre d’animaux dangereux qui sont gardés par des personnes non qualifiées.

Chers collègues, ce projet de loi reconnaît et poursuit l’excellent travail de ces extraordinaires organismes de défense des animaux. Je les remercie infiniment de leur contribution et de leur soutien. Si le Sénat adopte le projet de loi S-241, j’ai bon espoir que la Chambre des communes appuiera fortement la Loi de Jane Goodall.

En effet, pendant la campagne électorale de 2021, le Parti libéral, le Parti conservateur et le NPD ont promis de lutter contre le trafic d’espèces sauvages, ce qui laisse présager un solide consensus à l’autre endroit.

De plus, la lettre de mandat de l’honorable Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement climatique, reprend les promesses électorales du gouvernement de présenter un projet de loi pour protéger les animaux en captivité et de mettre fin au commerce de l’ivoire de l’éléphant et de la corne de rhinocéros au Canada. Je remercie le ministre de ses bons mots à la suite de la présentation du projet de loi mardi dernier. Je me réjouis à la perspective de collaborer avec le gouvernement, l’équipe du représentant du gouvernement au Sénat et, en fait, avec tous les parlementaires.

Le parrain de la Loi de Jane Goodall à la Chambre des communes, le député Nathaniel Erskine-Smith, est du même avis :

La Loi de Jane Goodall renforce les lois canadiennes sur la protection des animaux et permet au gouvernement de remplir son mandat de protéger les animaux en captivité. Les Canadiens de tous les horizons politiques se soucient du bien‑être des animaux, et j’espère que ce projet de loi sera appuyé par les députés de tous les partis.

Honorables sénateurs, je vais maintenant parler plus en détail des trois principaux changements qui se trouvent dans le projet de loi S-241. Premièrement, le projet de loi de Jane Goodall propose un nouveau cadre législatif pour les organismes animaliers, y compris les zoos, les aquariums et les sanctuaires, qui sera administré par Environnement et Changement climatique Canada.

Les organismes animaliers visés par le projet de loi devront continuer de se plier à des normes transparentes et accessibles, les quatre premières étant fondées sur les normes de l’Association of Zoos and Aquariums, ou AZA. Des experts-conseils de groupes de défense des animaux ont confirmé que l’AZA applique les normes les plus rigoureuses en Amérique en matière d’accréditation des zoos et des aquariums. Elle n’a d’ailleurs accordé que sept accréditations au Canada.

Le projet de loi comprend cinq critères pour les organismes de défense des animaux. Premièrement, les soins prodigués aux animaux doivent être conformes aux normes professionnelles reconnues les plus élevées et aux pratiques exemplaires. Le projet de loi permet au ministre d’examiner ce critère en se fondant sur les normes nord-américaines et européennes ainsi que sur d’autres normes.

Deuxièmement, il faut offrir des protections pour que les employés et d’autres intervenants puissent, après avoir suivi les étapes prévues au sein de l’organisation, divulguer confidentiellement au ministre, sans crainte de représailles, tout problème relatif au bien-être des animaux.

Troisièmement, il faut s’abstenir de toute activité qui dénature ou dégrade des animaux non domestiques vivant en captivité, notamment en les donnant en spectacle à des fins de divertissement et en leur faisant faire des tours comme dans un cirque, ou en les utilisant dans le cadre d’une production télévisuelle ou cinématographique. Un organisme animalier peut donner des démonstrations pédagogiques, sous forme notamment de séances d’observation ou d’interactions supervisées, qui renseignent le public sur le comportement naturel d’un animal ou les pratiques nécessaires pour lui prodiguer des soins.

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Le quatrième critère consiste à faire l’acquisition d’animaux sauvages d’une manière qui n’est pas préjudiciable aux populations de l’espèce dans son habitat ou d’une manière qui contribue à la survie ou au rétablissement de l’espèce. Par exemple, il serait acceptable de prendre en captivité des animaux dans le but de sauver l’espèce, comme cela a été fait pour le condor de Californie.

Le cinquième critère consiste à respecter les autres normes et pratiques exemplaires prévues par le ministre à la suite de consultations menées auprès d’experts et fondées sur les meilleures données disponibles en matière de recherche scientifique, de médecine vétérinaire, de soins aux animaux ou de bien-être animal. Ce cinquième critère est important, puisqu’il établit un processus de consultation et de prise de décisions fondées sur les données probantes pour toute amélioration éventuelle nécessaire afin de servir et de protéger les intérêts individuels et collectifs des animaux.

Le scientifique spécialisé en bien-être animal Jake Veasey a fourni des conseils utiles concernant le nouveau projet de loi. M. Veasey a réalisé et publié des études évaluées par les pairs au sujet de l’Animal Welfare Priority Identification System, ou AWPIS. Ce système vise à établir, pour les espèces en captivité, des programmes de gestion d’habitats axés sur les données qui priorisent en réalité leurs besoins psychologiques et permettent d’optimiser le bien-être animal. Ce processus établit des données sur le patrimoine évolutionniste et les caractéristiques de motivation de chaque espèce en se servant de la rétroaction d’experts du secteur de la gestion des animaux en captivité et de l’extérieur de celui-ci.

Le système de M. Veasey révèle notamment que la garde en captivité de carnivores dont l’aire de répartition est étendue, comme les tigres et les ours polaires, n’est pas forcément problématique parce qu’elle limite les distances de marche de ces animaux. En effet, de nombreux animaux marchent autant dans les zoos qu’à l’état sauvage. Le problème, c’est que la captivité prive ce mouvement de tout sens. M. Veasey suggère que la meilleure solution serait de redonner un sens à ce mouvement, en permettant aux animaux en captivité de choisir comment et quand agir pour obtenir des récompenses.

Il espère utiliser cette approche pour créer un refuge d’ours polaires au Canada afin de s’occuper des ours polaires ayant eu des interactions conflictuelles avec des humains et afin d’examiner comment nous pouvons les aider à s’adapter au réchauffement de l’Arctique.

Une fois qu’ils seront désignés comme tels par la Loi de Jane Goodall, les organismes animaliers admissibles pourront poursuivre leurs programmes de soins animaliers, de conservation, de science animale et de sensibilisation du public pour la plupart des espèces protégées en vertu de cette loi, à certaines conditions. Les sept zoos et aquariums canadiens de l’AZA seront les premiers à obtenir ce statut en étant désignés ainsi dans le projet de loi. En plus des cinq zoos que j’ai mentionnés, ces organismes incluent l’aquarium de Vancouver et l’aquarium Ripley du Canada, à Toronto. Ces désignations donnent du poids à l’accréditation de l’AZA, aux consultations avec les groupes de protection des animaux sur les différentes accréditations, et à l’estime que Mme Goodall manifeste envers les organismes détenant ce titre.

De la façon dont le cadre du projet de loi est conçu, certains membres de l’Association des zoos et aquariums du Canada, l’AZAC, pourront obtenir ce statut, en plus d’autres organismes, comme les sanctuaires. Il faudra certainement que certains zoos et sanctuaires évoluent ou s’améliorent et le Parlement pourra étudier tout développement qui pourrait survenir avant l’adoption du projet de loi.

De nombreux jardins zoologiques au Canada n’obtiendront peut‑être pas le statut prévu dans le projet de loi, du moins à court terme, parce que le projet de loi a pour objectif prioritaire de protéger les animaux. Ces organismes ou des particuliers pourront demander une licence pour garder de nouveaux animaux en captivité d’espèces précises et pourront continuer de faire l’acquisition d’animaux d’espèces qui ne font pas partie des espèces initialement désignées.

Le but, sénateurs, est d’atteindre le plus rapidement nos objectifs de façon positive et progressiste. Le statut d’« organisme animalier » conféré par la Loi de Jane Goodall pourrait devenir le standard ultime au Canada, un statut consigné dans la loi pour la protection des animaux sauvages. D’autres pays le remarqueront et pourraient décider de suivre les traces du Canada.

Une des priorités de Mme Goodall est de permettre aux meilleurs zoos, aquariums et sanctuaires de prospérer dans le cadre de la loi, et ce projet de loi le permettra. La planète est de moins en moins hospitalière pour les animaux et ces organismes ont un rôle important à jouer pour sauver les animaux des conditions inadéquates et de l’extinction.

En 2019, le zoo de Toronto a aidé à relocaliser des animaux saisis dans un zoo improvisé au Québec. L’été dernier, le zoo de Toronto était prêt à accueillir temporairement des lions et des tigres appartenant à des particuliers à Maynooth, en Ontario, suivant le dépôt par la province d’accusations de maltraitance animale contre les propriétaires. De nombreux employés se sont portés volontaires pour s’installer dans la région pendant une période prolongée pour s’occuper des animaux. Malheureusement, la loi, telle qu’elle est en vigueur, permettait la relocalisation privée et sans surveillance de ces animaux.

Fait intéressant, le zoo de Toronto s’est doté d’un plan directeur visant à créer un refuge de préservation des espèces au cours des prochaines années, pour accueillir des animaux en difficulté provenant de partout au Canada.

Les principaux zoos du Canada jouent également un rôle essentiel en matière de conservation de la faune et de recherche. Dans le monde entier, la reproduction en captivité a joué un rôle déterminant dans plus de la moitié des cas où l’extinction de certaines espèces d’oiseaux et de mammifères a été évitée.

L’institut Wilder et le zoo de Calgary forment le secrétariat mondial du Groupe de spécialistes de la translocation de la Commission pour la sauvegarde des espèces de l’Union internationale pour la conservation de la nature, une instance mondiale qui fait autorité sur l’état du monde naturel et qui compte plus de 1 400 organisations membres, ainsi que des experts dans plus de 40 pays. Cette instance émet des consignes pour la réintroduction et le déplacement d’animaux afin de rétablir les populations sauvages.

Le zoo de Calgary dirige également des programmes de conservation et de recherche sur des espèces canadiennes menacées d’extinction ou y contribue. Parmi ces espèces figurent le putois d’Amérique, la grue blanche, la chevêche des terriers, le tétras des armoises, le porte-queue demi-lune, la grenouille léopard et la marmotte de l’île de Vancouver.

Le zoo de Toronto dirige des études et aide à rétablir les populations canadiennes de bison des bois, de la pie-grièche migratrice de l’Est, de la tortue mouchetée et du crotale. Le zoo de Toronto possède aussi l’un des rares laboratoires spécialisés en physiologie de la reproduction en Amérique du Nord, une biobanque qui préserve la faune en congelant les éléments de reproduction.

Il est bon de souligner que les cinq zoos canadiens que j’ai nommés participent tous à des plans de gestion de la survie des espèces dans le cadre de l’Associations of zoos and aquariums. Ces plans ont pour but de protéger les spécimens captifs d’espèces en voie de disparition qui sont génétiquement aptes à la reproduction afin de les protéger de l’extinction.

En établissant un statut légal pour les organismes animaliers crédibles, ce projet de loi apporterait des avantages aux animaux et inspirerait confiance aux visiteurs en ce qui concerne la qualité des soins animaliers, la sécurité, la conservation, la science et l’éducation. De plus, le cadre prévu dans la Loi de Jane Goodall pour les organismes animaliers admissibles établirait un partenariat gagnant-gagnant pour les animaux et les professionnels en soins animaliers.

La coalition qui a proposé ce projet de loi a dirigé les efforts pour établir de nouvelles mesures de protections juridiques pour plus de 800 espèces, que l’on appelle « animaux désignés » dans le projet de loi. En ce qui concerne l’application de la loi, il sera possible d’ajouter ou de supprimer les espèces au moyen d’un décret du Cabinet fédéral, en vertu de la « disposition de Noé ». Au moment d’établir la liste de priorité des espèces, en fonction des inquiétudes sur les plans du bien-être et de la sécurité, la rétroaction de zoos et d’ONG a été inestimable, tout comme les précieux conseils de la Mme Lori Marino, une neuroscientifique animalière qui a prouvé que les dauphins ont une conscience de soi. De plus, elle est responsable du projet de sanctuaire de baleines en Nouvelle-Écosse.

Les premières espèces désignées sous le régime de la Loi de Jane Goodall sont surtout les gros prédateurs à vaste répartition, certains primates, et des reptiles dangereux. Notamment, la désignation de certaines espèces entrera en vigueur jusqu’à six mois après la sanction du projet de loi pour permettre aux propriétaires de gérer les dynamiques sociales et les enjeux de reproduction des animaux. Les espèces interdites suivantes feront l’objet d’une exigence de licence.

Tout d’abord, puisque c’est l’année du Tigre, il y a les grands félins : près de 40 zoos gardent des grands félins en captivité au Canada, et les estimations du nombre d’animaux gardés par des propriétaires privés vont de 3 600 à plus de 7 000. Bien entendu, il est difficile d’avoir des données fiables.

En 2009, la Colombie-Britannique a interdit la possession privée de grands félins après une attaque ayant causé un décès. En Ontario, on sait que les lois sont permissives, car il n’est pas nécessaire d’avoir une licence pour la possession, l’élevage et le commerce de grands félins. L’an dernier, un couple ontarien a été en mesure de relocaliser ses grands félins sans supervision gouvernementale après que ses lions eurent creusé un trou sous leur clôture pour ensuite dévorer un tigre. Le projet de loi interdit toutes les espèces de grands félins, dont les lions et les tigres, ainsi que plusieurs espèces de félins de taille moyenne, comme les lynx.

Viennent ensuite les ours. Plus de 25 zoos canadiens gardent des ours en captivité, et le projet de loi interdit cette pratique pour toutes les espèces actuellement gardées au Canada, dont les grizzlis et les ours polaires.

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Le projet de loi interdit également des loups et d’autres gros canins sauvages, comme les chiens-loups, les coyotes, les chacals et les chiens viverrins ou chiens martres, qui posent un risque d’espèce envahissante. Plus de 30 zoos canadiens gardent des loups, qui forment une espèce très intelligente, sociale et extrêmement mobile. De plus, le projet de loi interdit les hyènes, un autre prédateur supérieur gardé à seulement trois endroits au Canada, comme nous le supposons.

La Loi de Jane Goodall interdit la captivité de tous les phoques, lions de mer et morses, sauf sous obtention d’une licence. On retrouve de telles espèces à neuf endroits au Canada. Notons que l’épisode « The Last Walrus » de l’émission The Nature of Things, diffusé à CBC en 2021, soutient que la captivité de certains morses au Canada pourrait offrir un certain mérite scientifique pour aider des populations sauvages.

Cependant, on sait que Marineland garde des phoques à l’intérieur sur de longues périodes et se sert de lions de mer et de morses pour des spectacles de divertissement. La Loi de Jane Goodall tient compte des deux morses de Marineland, Smooshi et son rejeton Koyuk, comme en a parlé la réalisatrice Nathalie Bibeau.

Une photo préoccupante publiée sur les médias sociaux à la fin de 2021 montre Koyuk semblant présenter des lésions cutanées. S’il est adopté, le projet de loi interdira de se servir de Koyuk et de sa mère dans des numéros de cirque et il imposera une supervision gouvernementale pour leur réintégration éventuelle.

En classant les morses dans les espèces désignées, je reconnais le travail acharné de Phil Demers, ancien entraîneur en chef de Marineland, pour la défense des droits des animaux. Dans son récit touchant, M. Demers relate comment les soins qu’il a prodigués à Smooshi ont amené celle-ci à le considérer comme sa mère. Devenu dénonciateur en faveur du bien-être des animaux en 2012, M. Demers s’est battu pour Smooshi et pour d’autres animaux de Marineland. Il a consacré une bonne partie de sa vie à cette cause. Je cite M. Demers :

Je rêve de retrouver Smooshi et de trouver, à elle et à Koyuk, un meilleur endroit où vivre. Je n’abandonnerai jamais.

Sénateurs, j’espère que ce rêve deviendra réalité.

Le projet de loi S-241 protège plus de 100 espèces de primates, dont des gibbons, des babouins, des galagos et certains singes. Comme les grands singes, nous sommes membres de l’ordre des mammifères, qui se caractérisent par leur intelligence et leur sociabilité. Lors de la sélection des espèces prioritaires, notre coalition a tenu compte du nombre d’individus en captivité et des préoccupations concernant le bien-être des espèces arboricoles. En nous appuyant sur des informations provenant du Conseil canadien de protection des animaux, nous nous sommes abstenus de désigner des espèces utilisées dans le cadre de recherches biomédicales au Canada.

Enfin, les nouvelles désignations prévues dans la Loi de Jane Goodall protègent les reptiles dangereux, c’est-à-dire tous les membres de la famille des crocodiles et des alligators, 12 espèces d’anacondas, de pythons et de boas constricteurs, ainsi que tous les reptiles venimeux, soit plus de 600 espèces de serpents et de lézards. Ces désignations sont établies, à juste titre, pour des motifs de sécurité publique. Les sénateurs se souviennent peut-être de cet incident tragique survenu au Nouveau-Brunswick, en 2013, lors duquel un python de près de quatre mètres s’est attaqué à deux jeunes garçons et leur a enlevé la vie.

Tel que je l’ai mentionné, la Loi de Jane Goodall mettrait progressivement fin à la tenue en captivité d’éléphants au Canada, comme cela a été le cas pour les baleines et les dauphins quand nous avons adopté des lois fédérales à cette fin. Pourquoi? C’est principalement parce que notre climat ne leur convient pas, ce qui force ces créatures énormes, intelligentes et sociales, à vaste répartition, à passer l’hiver à l’intérieur.

De surcroît, les 16 éléphants du parc African Lion Safari faisaient partie de spectacles et les visiteurs pouvaient faire une balade sur leur dos, ce qui s’est traduit par une attaque en 2019. L’Association des zoos et aquariums du Canada a interdit les tours d’éléphant l’année dernière. Également l’année dernière, CBC a rapporté qu’un zoo du Texas avait annulé une entente de 2 millions de dollars pour acheter deux éléphants du parc African Lion Safari, une entente qui aurait séparé une éléphante et sa fille, alors que les femelles demeurent généralement ensemble toute leur vie.

Je félicite Paul Gosselin, président-directeur général du Zoo de Granby, du leadership dont il fait preuve en ce qui a trait à l’élimination progressive du maintien des éléphants en captivité. Pour obtenir des détails sur les politiques concernant les éléphants, je vous invite à consulter le discours prononcé par l’ancien sénateur Sinclair le 19 novembre 2020.

Quant aux grands singes, auxquels Mme Goodall a consacré une grande partie de sa vie professionnelle, le projet de loi appuie le maintien des programmes scientifiques et des programmes de conservation des gorilles et des orangs-outangs des zoos de Toronto, de Calgary et de Granby, à certaines conditions. Des programmes interreliés de l’AZA protègent des populations génétiquement aptes à la reproduction grâce à la reproduction en captivité et favorisent la conservation sur le terrain au moyen de financement et de formation.

Depuis 2011, le zoo de Toronto a participé à 60 études universitaires sur des orangs-outans et des gorilles, y compris avec l’Université York, l’Université de Toronto et l’Université Laurentienne. Les vétérinaires du zoo de Calgary ont présenté leurs conclusions sur la santé des gorilles à des conférences vétérinaires.

La poursuite des programmes de recherche et de conservation concernant les grands singes en captivité, qui respectent des normes élevées en matière de bien-être, est importante pour Mme Goodall alors que son équipe continue de travailler avec des collectivités locales pour sauver des grands singes dans la nature. Je trouve inspirant que le nouvel habitat pour les orangs-outans du zoo de Toronto doive ouvrir cet été. Je félicite Dolf DeJong, le PDG du zoo, de son leadership.

Le troisième grand changement est le fait que le projet de loi S-241 met davantage l’accent sur l’aspect non durable du commerce international d’espèces sauvages en réclamant des mesures réglementaires dans le préambule. C’est une priorité pour Mme Goodall. L’ivoire d’éléphant, les cornes de rhinocéros, les espèces envahissantes, la prolifération d’un champignon qui éradique des populations de grenouilles et le braconnage pour vendre des vésicules biliaires d’ours au Canada font partie des sources de préoccupation.

Des rapports scientifiques récents du Programme des Nations unies pour l’environnement et de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques concluent que le commerce d’espèces sauvages est un facteur important du risque pandémique et de la perte de biodiversité.

Il s’agit d’un problème mondial et le Canada a un important rôle à jouer. La demande canadienne pour les animaux sauvages et les produits dérivés de leur vente alimente ce commerce mondial non durable. Les recherches menées par l’association canadienne Protection mondiale des animaux ont montré que plus de 1,8 million d’animaux sauvages ont été importés au Canada entre 2014 et 2019 pour des raisons très diverses, y compris comme animaux de compagnie ou pour la fabrication de produits de luxe. La plupart de ces animaux n’ont pas fait l’objet de contrôles pour vérifier les permis ou la présence d’agents pathogènes. Il est indispensable d’améliorer la collecte des données à ce sujet.

Il y a aussi de bonnes nouvelles. Une des réussites à saluer est le rôle de leadership du Canada pour obtenir un consensus mondial et faire adopter la toute première résolution sur le bien-être animal à l’ONU ce mois-ci. Je félicite le ministre Guilbeault et son équipe pour cet événement marquant.

Mon bureau collaborera avec l’Institut Jane Goodall du Canada, l’association canadienne Protection mondiale des animaux et d’autres partenaires pour mettre au point des recommandations et des amendements en ce qui concerne le commerce et le trafic illégal mondial des espèces sauvages. Soulignons par exemple que le zoo de Toronto a réalisé un travail qui lui a valu un prix avec l’organisme Échec au crime pour sensibiliser la population au trafic illégal d’espèces sauvages au Canada, en particulier concernant la chasse et le commerce des tortues et le braconnage des ours noirs, notamment pour leur vésicule biliaire. Comme l’ivoire des éléphants et les cornes de rhinocéros, les ours noirs capturés en pleine nature font partie d’un commerce mondial illégal d’espèces sauvages qui se chiffre selon les estimations autour de 23 milliards de dollars par an.

Je me réjouis de toute possibilité de collaboration avec Environnement et Changement climatique Canada et je félicite ce ministère d’avoir mené l’an dernier des consultations publiques à propos de l’ivoire des éléphants, qui mèneront, je l’espère, à une réglementation.

Honorables sénateurs, j’aimerais vous parler d’une autre modification, petite, mais importante, apportée au projet de loi. Le préambule de la Loi de Jane Goodall contient maintenant une observation concernant la dernière orque en captivité du Canada, Kiska, connue comme étant « l’orque la plus solitaire au monde ». Je veux moi aussi appuyer les efforts en vue d’aider Kiska à vivre une vie meilleure, un objectif que partageaient les anciens sénateurs Moore et Sinclair.

Kiska a été capturée en Islande en 1979 avant d’être achetée par Marineland. Ses cinq baleineaux sont décédés et elle vit seule depuis 2011. De multiples baleines seraient décédées au cours de la dernière année à Marineland et le système de traitement de l’eau du parc serait défectueux, ce qui fait l’objet d’ordonnances de la part des autorités provinciales responsables du bien-être animal.

Dans son bassin de béton, Kiska nage en cercles répétitifs dans le sens contraire des aiguilles d’une montre et adopte des comportements atypiques tels que se laisser flotter en restant immobile ou se frapper la tête contre la paroi du bassin. Sénateurs, ce n’est pas correct. Kiska ne devrait pas avoir à mourir seule, et s’il est possible de la déplacer en toute sécurité, il faut envisager cette option.

Pour cette raison, le préambule de la Loi de Jane Goodall fait remarquer que le gouvernement de l’Ontario a le pouvoir de conférer à Kiska un statut juridique. Cela permettrait à un tribunal d’ordonner, dans l’intérêt de l’animal, le déplacement de ce dernier vers le sanctuaire de baleines prévu à Port Hilford, en Nouvelle-Écosse.

(1600)

De grands singes qui se trouvaient en situation préoccupante ont reçu des droits similaires en Argentine. J’espère que le gouvernement de l’Ontario trouvera le moyen de venir en aide à Kiska. J’espère aussi que Marineland voudra collaborer avec l’équipe de scientifiques du sanctuaire de baleines pour évaluer les solutions possibles pour Kiska. Les valeurs autochtones reconnaissent les liens qui nous unissent aux autres êtres vivants et nous ne devons pas tourner le dos à Kiska ou la laisser vivre une vie de misère.

Il ne faut pas oublier non plus qu’une quarantaine de bélugas et cinq dauphins à gros nez à Marineland méritent également notre attention. Dans le merveilleux pays qu’est le Canada, nous devons prendre la défense de ceux qui ne peuvent se faire entendre. C’est l’objectif de la Loi de Jane Goodall.

En terminant, honorables sénateurs, je suis reconnaissant de votre attention et je vous remercie. Je vous invite à participer à ce débat et à contribuer à l’adoption de la Loi de Jane Goodall par le Parlement. Je vais terminer en citant le discours prononcé par l’honorable Murray Sinclair au sujet du projet de loi :

Honorables sénateurs, nous vivons une période de grands défis alors que le monde naturel est en danger. Toutefois, nous vivons aussi une période sous le signe de l’espoir du fait que les valeurs sociales reflètent de plus en plus un éveil spirituel et moral. Nous pouvons encore sauver cette magnifique planète, ainsi que le savoir et les cultures autochtones, et les animaux, ces êtres sacrés et innocents qui méritent notre compassion.

En présentant ce projet de loi, Jane Goodall et moi pensons que les plus ardents défenseurs des animaux seront les jeunes, y compris par l’entremise de son organisme Roots and Shoots. Le mépris pour les animaux est un comportement acquis. Nous pourrions bien découvrir que les enfants ont une leçon à nous donner. Mes petits-enfants, bien franchement, sont emballés par ce projet de loi, et j’espère que ce sera aussi le cas des vôtres. Aux parents et aux enseignants qui sont à l’écoute partout au pays, je dirai que nous voulons entendre ce que les enfants ont à dire pour redécouvrir cette sagesse perdue au sujet des animaux.

Merci. Hiy kitatamîhin.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Richards, je comprends que vous avez une question, mais il ne vous reste que 12 secondes.

L’honorable David Richards : Je vais simplement lui poser ma question et il n’aura pas à y répondre. J’allais lui demander s’il pense que tous les zoos doivent être définitivement fermés dans les prochaines années. Qu’en pense-t-il? C’était l’une de mes questions.

(Sur la motion du sénateur Wells, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Motion tendant à exhorter le gouvernement à dénoncer l’illégitimité du régime cubain—Ajournement du débat

L’honorable Leo Housakos (leader suppléant de l’opposition), conformément au préavis donné le 24 novembre 2021, propose :

Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à :

a)dénoncer l’illégitimité du régime cubain et à reconnaître l’opposition cubaine et la société civile en tant qu’interlocutrices;

b)exhorter le régime cubain à assurer le droit du peuple cubain à manifester pacifiquement sans possibilité de représailles et de répudiation.

— Honorables sénateurs, je propose la motion dans le cadre du Forum parlementaire transatlantique, une initiative mondiale regroupant des législateurs d’Europe et des Amériques solidaires de la lutte du peuple cubain pour le droit de vivre dans une démocratie.

Jusqu’à présent, les appels lancés par des Canadiens d’origine cubaine épris de liberté pour appuyer ceux qui mènent une lutte pacifique pour les droits de la personne et la démocratie à Cuba ont été ignorés par le gouvernement Trudeau, dont la politique envers Cuba est fondée sur le silence et, encore plus inquiétant, l’inaction.

J’aimerais souligner et rendre hommage à certains Canadiens d’origine cubaine : Antonio Tang, Yanel Raul Nieves, Aime Calle Cabrera, Raimet Martinez Avila, Kirenia Carbonell Dieguez, Michael Lima, Manuel de Jesus Bujan, Ismary Bacallao et Andy Davila Miranda. Tous ces Canadiens d’origine cubaine sont venus dans notre pays, s’y sont construit une vie épanouie et, bien entendu, apprécient notre liberté et notre démocratie. Toutefois, ils n’ont pas oublié d’où ils viennent ni leurs amis et leurs familles, qui n’ont pas eu la même chance qu’eux.

Compte tenu de la nouvelle réalité mondiale qui découle de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, il est plus important que jamais que le Canada appuie l’unité des défenseurs de la démocratie à l’échelle internationale face à l’expansion accélérée des régimes autoritaires dans le monde. Tant la violence de la guerre contre l’Ukraine que la répression exercée par le régime cubain contre les personnes qui pensent différemment illustrent l’absence d’arguments moraux et rationnels et l’impuissance dictatoriale des gens qui ont recours à la force pour remporter une guerre ou pour obtenir ou conserver le pouvoir.

Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le monde entre dans une nouvelle ère qui nécessite un nouveau raisonnement stratégique pour redéfinir les relations internationales entre les démocraties et les autocraties. Le Canada devrait faire un pas important dans cette direction en dénonçant l’illégitimité du régime cubain, dont le système et les représentants n’ont jamais été élus librement par le peuple.

Au lieu d’appuyer et de légitimer le même régime cubain qui se sert de la propagande du Kremlin pour justifier l’invasion de l’Ukraine, le Canada devrait reconnaître l’opposition prodémocratie à Cuba comme un interlocuteur valable dans nos relations avec l’île.

Le Canada fait piètre figure sur la scène internationale lorsque vient le moment de condamner la dictature cubaine. Le gouvernement actuel préfère plutôt poursuivre sa politique du silence et de l’immobilisme à l’égard de la spirale de répression particulièrement brutale dont les Cubains sont victimes depuis les importantes manifestations en faveur de la démocratie qui ont eu lieu en juillet 2021. Le gouvernement Trudeau persiste à préférer serrer les mains des oppresseurs de Cuba et à faire de la diplomatie en coulisse. Le temps est venu de parler haut et fort.

Le silence et l’inaction du gouvernement Trudeau, combinés à l’absence quasi totale de couverture de la part des principaux médias canadiens, font en sorte que les violations graves et systématiques des droits de la personne à Cuba, qui ont atteint une intensité et une échelle sans précédent depuis les manifestations prodémocratie pacifiques du 11 juillet dernier, passent inaperçues.

Nous devenons complices en gardant le silence devant cette répression qui a lieu à Cuba. Comme l’a déjà dit l’archevêque et défenseur des droits de la personne Desmond Tutu : « Si vous êtes neutre dans une situation injuste, alors vous avez choisi le côté de l’oppresseur. »

Après 63 ans sans élections libres, justes, démocratiques et multipartites, Cuba est l’un des régimes au monde où l’on réprime les droits de la personne depuis le plus longtemps. Depuis 1959, le régime actuel persécute, emprisonne et marginalise les défenseurs des droits de la personne, les journalistes, les artistes dissidents, les intellectuels et les critiques.

(1610)

On estime qu’au moins un demi-million de Cubains ont été arbitrairement arrêtés ou emprisonnés pour des raisons politiques au cours des six dernières décennies. Le régime de parti unique cubain étouffe la liberté d’expression et de réunion en détenant des personnes pour leurs croyances et leur opposition au gouvernement, proscrit le pluralisme politique, interdit les médias indépendants, criminalise la dissidence et empêche l’exercice des libertés et des droits fondamentaux.

Les choses se sont aggravées au cours des 14 derniers mois, les autorités cubaines étant responsables de violations graves et systématiques des droits de la personne dans le cadre d’une politique répressive qui criminalise les manifestations pacifiques et emprisonne et maltraite des Cubains de tous horizons pour avoir simplement exprimé leurs opinions et exercé leur liberté d’expression et de rassemblement pacifique.

Les organisations de défense des droits de la personne ont signalé au moins 10 000 actions répressives à Cuba de janvier 2021 à mars 2022, notamment des détentions arbitraires, des emprisonnements, des assignations à résidence forcées, des amendes, des simulacres de procès, des actes de répudiation, des campagnes de diffamation, des passages à tabac, des coupures d’Internet, des expatriations forcées pour harceler et intimider les défenseurs des droits de la personne, les critiques, les militants indépendants, les artistes et les journalistes.

Honorables sénateurs, à la fin de l’année 2021, le régime cubain avait arrêté arbitrairement 2 717 personnes, assigné à résidence 3 743 personnes et mené 60 actes de répudiation contre des militants prodémocratie. Ces actes sont fondamentalement fascistes et constituent la plus grande expression de l’intolérance et de l’extrémisme promus par le régime cubain contre ceux qui pensent différemment.

Le 11 juillet 2021, dans 45 villes cubaines, plus de 187 000 Cubains sont descendus dans la rue lors de manifestations historiques pour dénoncer des restrictions de longue date de leurs droits de la personne. Ils scandaient « Liberté » et « À bas la dictature » et revendiquaient un changement démocratique comme solution aux grandes crises économiques et sanitaires du pays. Le régime cubain a réagi aux manifestations pacifiques avec une brutalité et une violence extrêmes. Selon Amnistie internationale, avec le déploiement massif de brigades spéciales et de policiers dans les villes du Cuba, la surveillance, les arrestations arbitraires, la persécution et la répression ont atteint des niveaux jamais vus au cours des 20 dernières années dans ce pays.

Les forces de sécurité ont réagi aux manifestations prodémocratie avec une violence extrême. Ils ont ouvert le feu sur les manifestants. Ils ont utilisé des gaz lacrymogènes et ont frappé les manifestants avec des bâtons. Ceux qui ont été arrêtés ont subi la torture et un traitement cruel, dégradant et inhumain. Après ces actes de brutalité, Cuba a dépassé le Venezuela, le Nicaragua, la Russie et même l’Iran en ce qui a trait au nombre de prisonniers politiques. L’emprisonnement politique à Cuba constitue le pire drame humain que vivent de nos jours les familles cubaines.

Pire encore, ces victimes de répression à Cuba, c’est-à-dire les prisonniers politiques, signalent le recours à la torture ainsi que le traitement cruel, inhumain et dégradant qu’elles subissent dans les prisons, y compris l’isolement, l’usage excessif de chaînes et menottes, la violence physique, l’humiliation verbale, les actes de rejet, la menace de viol et le refus de soins médicaux et de visites familiales. Des témoignages de ces méthodes de répression ont été consignés dans des lettres et des récits de vive voix des prisonniers à leurs amis et leur famille. Aujourd’hui, je prends la parole et je vous encourage tous à vous joindre à moi pour dénoncer les conditions des prisonniers politiques à Cuba, qui sont victimes de torture et d’un traitement cruel, inhumain et dégradant.

Je veux prendre un moment pour mettre en lumière l’histoire de certaines de ces personnes. Par exemple, l’artiste et activiste Maykel Osorbo, gagnant d’un Grammy pour la chanson Patria y Vida, est détenu depuis mai 2021 dans la prison à sécurité maximale de Pinar del Río. Il souffre actuellement d’un trouble des ganglions lymphatiques et on ne lui a pas offert un diagnostic adéquat ni un traitement médical pour ce problème.

Ensuite, il y a Luis Manuel Otero Alcántara, figure de proue du mouvement San Isidro et l’une des 100 personnes les plus influentes du monde d’après la liste établie par le magazine Time en 2021. Il a été arrêté alors qu’il se rendait à une manifestation à La Havane le 11 juillet, puis transféré à une prison à sécurité maximale sans audience devant un tribunal. Il a mené plusieurs grèves de la faim pour protester contre son emprisonnement injuste qui lui ont laissé des séquelles.

Felix Navarro et sa fille Sayli Navarro, coordonnateurs du mouvement pour la démocratie Pedro Luis Boitel, ont récemment été condamnés à neuf et huit ans de prison respectivement, non pas pour avoir manifesté, mais simplement pour avoir posé des questions à la police sur le statut de certains des membres de l’organisation qui avaient été détenus le 11 juillet.

Je suis préoccupé par le sort des groupes vulnérables qui ont été victime des répressions ayant fait suite aux manifestations de juillet. Trente-trois enfants, mineurs au moment de leur détention, ont été poursuivis au criminel, et environ la moitié d’entre eux font face à des accusations de sédition. En vertu de l’alinéa 100a) du Code pénal cubain, l’accusation de sédition peut entraîner des peines allant de 10 à 20 ans de prison ou la peine de mort.

Il y a au moins 130 prisonnières politiques à Cuba. En outre, toutes les mères des manifestants prodémocratie détenus le 11 juillet reçoivent régulièrement des menaces d’emprisonnement de l’État si elles dénoncent le bien-fondé de la cause de leur enfant sur la scène internationale.

Je tiens également à condamner les centaines de procès menés à Cuba contre des manifestants prodémocratie pacifiques, ce qui va à l’encontre de l’application régulière de la loi et de l’alinéa 7e) du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Les manifestants prodémocratie sont également accusés au titre d’articles du Code criminel cubain, comme ceux sur la sédition et le désordre public ou pour avoir insulté des fonctionnaires. C’est là une violation des normes internationales en matière de droits de la personne, car il s’agit d’un subterfuge juridique visant à restreindre la liberté d’expression et la liberté d’association. En l’absence d’un procès équitable, la majorité des manifestants, âgés en moyenne de 34 ans, reçoivent des peines d’emprisonnement allant de 5 à 10 ans, voire 30 ans, simplement pour avoir enregistré une manifestation pacifique.

Ma question est la suivante : qu’a fait le gouvernement de Justin Trudeau en réaction aux atroces violations des droits de la personne qui ont eu lieu à Cuba au cours de la dernière année?

Honorables sénateurs, le gouvernement Trudeau a seulement fait de vagues déclarations sur les manifestations du 11 juillet 2021, principalement en réponse aux questions des médias. Contrairement aux condamnations visant d’autres dictatures dans le monde, comme le Venezuela et le Bélarus, ces déclarations ne figuraient même pas parmi les déclarations officielles du gouvernement qui sont publiées sur le site Web du gouvernement du Canada. Par ailleurs, le premier ministre a fait ces déclarations principalement en réponse aux pressions exercées par le Parti conservateur à la Chambre. Nous avons été prompts à exprimer notre solidarité envers la population après les manifestations de juillet, mais le gouvernement Trudeau s’est contenté de répéter qu’il était au fait de la situation à Cuba, mais il n’a jamais pris de mesure après avoir fait part de ses préoccupations.

L’initiative du gouvernement Trudeau décrite dans la fiche d’information sur le renforcement des relations entre le Canada et Cuba, publiée le 16 novembre 2016, qui consistait à accompagner le régime cubain dans une supposée modernisation de son système et dans des projets de collaboration en vue de promouvoir une gouvernance inclusive et responsable grâce à des échanges avec Cuba, s’est avérée un échec retentissant.

Le régime cubain n’a jamais rendu de comptes à la population cubaine depuis son arrivée au pouvoir, car il n’a jamais été élu dans le cadre d’élections démocratiques, et Cuba n’est aucunement doté du mécanisme de séparation des pouvoirs auquel nous sommes habitués. Le régime réagit aux manifestations pacifiques en prenant des mesures de répression brutales, comme on l’a vu le 11 juillet 2021, lorsque le président non élu Miguel Díaz-Canel est apparu à la télévision pour donner l’ordre de combattre des manifestants pacifiques.

De nos jours, Cuba a plus de lois répressives que jamais auparavant. Certains exemples récents du cadre juridique cubain corroborent cette affirmation. En août 2021, la gazette officielle a publié les décrets-lois nos 35 et 42, qui criminalisent l’indépendance de la presse et les détracteurs du régime d’après le règlement 102, qui punit la « diffusion d’information jugée fausse ou préjudiciable à l’ordre public ».

Plus récemment, l’avant-projet de loi du nouveau code pénal criminalise toutes les libertés civiles et politiques protégées par la Déclaration universelle des droits de l’homme, y compris la liberté d’expression et la liberté de réunion et d’association pacifiques, entre autres.

Je m’en voudrais de ne pas sensibiliser mes concitoyens canadiens au sujet des conséquences morales et éthiques de dépenser son argent à Cuba, qui est une île splendide, parmi les plus belles du monde, mais qui est gouvernée par un régime politique qui s’en prend aux droits de la personne.

Les vacances et les investissements à Cuba équivalent à financer activement le conglomérat militaire qui exploite des hôtels, des institutions financières et l’industrie touristique. Avec cet argent, les Canadiens contribuent à soutenir, à Cuba, ce qui constitue, selon le bilan de GlobalFirepower, la quatrième force militaire au monde.

(1620)

Autrement dit, l’argent canadien à Cuba ne sert pas à améliorer la vie des citoyens. Il est plutôt utilisé par le régime pour surveiller, persécuter et réprimer les journalistes, les défenseurs des droits de la personne et les opposants au régime.

Dans le contexte mondial actuel, le fait de partir en vacances et de faire des investissements à Cuba équivaut à soutenir un régime qui utilise tous les médias contrôlés par l’État pour reproduire les tactiques de désinformation du Kremlin sur l’invasion de l’Ukraine.

En agissant ainsi, nous aidons le régime cubain à participer activement à une guerre hybride consistant à fabriquer de la désinformation qui contribue à justifier l’invasion de l’Ukraine par Poutine et à camoufler la responsabilité du régime russe dans la perpétration de crimes de guerre odieux contre des enfants et la population civile.

Le Canada doit garder à l’esprit que des pays comme Cuba, le Venezuela et le Nicaragua sont impliqués dans le mouvement d’agression contre l’Ukraine. Le leadership que le Canada peut exercer pour soutenir les droits de la personne et la démocratie à Cuba est vital plus que jamais.

L’augmentation du nombre de régimes autoritaires dans le monde représente le plus grand défi de notre époque. Je vous exhorte donc, chers collègues, à vous ranger du bon côté de l’histoire et à établir un précédent historique au Canada en adoptant cette motion par solidarité avec le peuple cubain qui aspire, pour la première fois en six décennies, à vivre dans un pays libre, démocratique et inclusif, des choses que nous tenons pour acquises.

Le Canada ne peut pas continuer de blanchir l’image de la dictature cubaine. Il est moralement discutable que nous continuions de passer nos vacances à Cuba et d’y investir, tout en ignorant le fait que le régime qui dirige ce pays est le plus grand geôlier des Amériques, avec plus de 1 000 prisonniers politiques mourant dans les prisons de l’île.

Cuba vit actuellement une période historique unique parce que, pour la première fois en plus de six décennies, une nouvelle génération de jeunes a commencé à réclamer ses droits publiquement, pacifiquement et résolument.

Cette rébellion démocratique naissante a besoin du soutien et de la solidarité de la communauté internationale pour réussir. Le peuple cubain, les mères des centaines de prisonniers politiques et la population sans défense réclament l’aide et la solidarité de la communauté internationale. Le Canada doit écouter les revendications spontanées et légitimes formulées par les Cubains dans les villes et les villages de ce beau pays le 11 juillet 2021.

Leurs manifestations pacifiques ont fait clairement savoir au régime illégitime qui s’impose au pouvoir que son heure a sonné. Comme il l’a fait à l’encontre de 21 autres régimes autoritaires dans le monde, le Canada devrait imposer des sanctions à tous les individus du régime cubain responsables de la persécution, des coups et de la torture subis par les manifestants du 11 juillet et tous ceux qui ont pacifiquement manifesté à d’autres dates pour réclamer la démocratie à Cuba.

C’est pourquoi je vous appelle à vous ranger du côté du peuple cubain, et non du régime cubain, à vous ranger du côté de la liberté, de la démocratie et des droits de la personne. Il me semble que c’est une question chère à cette institution et chère aux Canadiens. Je crois qu’il est important pour nous de prendre position et de veiller à ce qu’ils sachent que nous sommes à l’écoute. Nous surveillons ce qui se passe. Nous les entendons. Nous serons à leur côté.

Je vous remercie, chers collègues.

Longue vie à un Cuba libre. Patria y Vida.

Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Duncan, le débat est ajourné.)

[Français]

Affaires sociales, sciences et technologie

Motion tendant à autoriser le comité à étudier le cadre législatif et réglementaire de la procréation assistée—Ajournement du débat

L’honorable Lucie Moncion, conformément au préavis donné le 24 novembre 2021, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, les questions relatives au cadre législatif et réglementaire de la procréation assistée au Canada ainsi que toutes autres questions connexes jugées pertinentes par le comité, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 31 octobre 2023, et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

— Honorables sénateurs, je prends la parole sur la motion proposant que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, les questions relatives au cadre législatif et réglementaire de la procréation assistée au Canada, ainsi que toutes autres questions connexes jugées pertinentes par le comité. La motion prévoit également que le rapport final doit être soumis au plus tard le 31 octobre 2023.

La décision de procéder par le biais d’une motion fait suite à la suggestion qu’a faite dans cette Chambre la sénatrice Seidman, qui était porte-parole du projet de loi S-202 lors de la dernière législature. J’aimerais d’ailleurs la remercier de m’avoir offert son appui pour proposer une étude en comité, afin que le Sénat se penche sur tous les aspects relatifs à la procréation assistée au Canada. Je cite la sénatrice Seidman, qui a dit ce qui suit le 8 juin 2021 :

[Traduction]

Honorables sénateurs, une conversation nationale sur les lois encadrant la procréation assistée au Canada s’impose depuis longtemps. Nous devons tirer parti de l’expertise de pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Inde et d’autres, qui ont étudié la procréation assistée et les pratiques exemplaires dans ce domaine pendant des années. Les données probantes ne manquent pas. Comme la sénatrice Moncion, je pense aussi que le moment est bien choisi pour étudier attentivement et revoir cette question afin que nous puissions moderniser nos politiques pour refléter la réalité actuelle.

[Français]

Dans cette optique, chers collègues, l’objectif de mon discours est de vous convaincre du bien-fondé d’une motion visant à mener une étude sénatoriale exhaustive sur la procréation assistée dans les meilleurs délais. Cette étude est nécessaire à l’identification de pistes de solutions qui permettront d’améliorer la cohérence entre l’objet de la Loi sur la procréation assistée et ses effets réels.

Parallèlement à cette étude approfondie et complète, je déposerai également, dans un avenir rapproché, un projet de loi visant à décriminaliser la rétribution des donneurs de gamètes. Je constate que je me dois de circonscrire l’objet de ma proposition législative pour être en mesure d’avancer et de conscientiser encore plus de sénateurs et de Canadiens par rapport à ces enjeux. Le fait d’aller de l’avant avec une proposition qui touche strictement le cadre législatif du don de gamètes me semble approprié dans les circonstances.

Lors de législatures précédentes, j’ai prononcé des discours au sujet d’un projet de loi qui visait à permettre aux provinces et aux territoires de réglementer les aspects de la procréation assistée qui sont, encore aujourd’hui, criminels, et ce, en décriminalisant, dans certaines circonstances, la rétribution pour le don de gamètes et la gestation pour autrui. À l’époque, au-delà de ma proposition législative, j’ai tenté de démontrer que la législation en vigueur, par le biais de la criminalisation, ne permet pas de veiller à la santé et à la sécurité des enfants issus des techniques de procréation assistée, des mères porteuses et des donneurs de gamètes. La criminalisation encourage une culture du silence, ce qui augmente, par le fait même, les risques d’abus et l’exploitation de tout genre.

Dans ce discours, je vous décrirai, d’abord et avant tout, l’état du droit actuel en matière de procréation assistée au Canada. Ensuite, je mettrai en évidence certaines problématiques qui pourraient être étudiées en comité. Par exemple, le régime législatif actuel n’offre pas de protections adéquates aux enfants issus des techniques de procréation assistée, aux mères porteuses et aux donneurs de gamètes.

Ensuite, le régime de droit canadien est fondamentalement contradictoire, car il favorise et facilite le tourisme de reproduction à des fins commerciales ailleurs dans le monde. Le meilleur exemple que nous avons présentement est la situation qui prévaut en Ukraine.

Troisièmement, je mettrai en évidence les données probantes qui justifient la nécessité d’étudier de nouveau la question en se fondant sur des données à jour et en faisant fi des croyances et des théories qui ont modelé le cadre législatif en vigueur depuis déjà presque 20 ans.

[Traduction]

Permettez-moi de présenter brièvement l’état du droit au Canada.

D’abord et avant tout, il est illégal de payer pour un don d’ovules ou de spermatozoïdes. Il est aussi illégal de payer une mère porteuse, mais il est permis de lui rembourser certaines dépenses associées à la grossesse, comme pour de la nourriture supplémentaire, des vêtements, des vitamines et des coûts de transport liés aux rendez-vous médicaux.

Pour prendre un exemple banal, il est criminel d’offrir des fleurs ou du chocolat à une mère porteuse lorsqu’elle est enceinte. S’il est reconnu coupable de violation à la Loi sur la procréation assistée, un parent d’intention peut être condamné à 10 ans d’emprisonnement et à une amende pouvant aller jusqu’à 500 000 $. Les parents d’intention craignent, à juste titre, les conséquences juridiques du remboursement de dépenses non admissibles selon la Loi sur la procréation assistée et sont contraints de faire affaire avec des agences qui, à l’heure actuelle, ne sont pas réglementées.

(1630)

Que l’on soit pour ou contre la maternité de substitution ou le don de gamètes, le système altruiste actuellement en vigueur au Canada comporte des lacunes et doit être amélioré. De nombreux experts estiment que nous accusons du retard par rapport aux autres pays et que nous aurions intérêt à tirer des leçons de leur expérience.

Si je crois fermement qu’il faut étudier davantage ces questions, c’est principalement par souci pour la santé et le bien-être des femmes qui font appel aux technologies de procréation assistée au Canada et ailleurs dans le monde ainsi que pour les enfants qui naissent grâce à leur application.

Les dispositions actuelles du droit pénal sont inadéquates et sont à l’origine des divers problèmes de santé et de sécurité dont nous sommes témoins dans le monde de la procréation assistée. Ces femmes risquent de subir des complications très graves et s’exposent à des risques psychologiques.

Les donneuses peuvent développer le syndrome d’hyperstimulation ovarienne et, à plus long terme, pourraient souffrir d’infertilité, d’une maladie chronique ou d’un cancer. Les mères porteuses peuvent développer un diabète gestationnel ou de l’hypertension ou encore endommager leurs organes reproducteurs et elles s’exposent à tous les autres risques associés à la grossesse. Ces risques pour la santé sont présents chez les donneuses et les mères porteuses tant dans un système altruiste que dans un système commercial. Ils sont les mêmes, que la personne soit rémunérée ou non.

Le cadre juridique actuel peut, en théorie, exposer une personne qui commet une erreur non intentionnelle à de graves sanctions. Le cadre pénal encourage une culture du silence particulièrement propice à toutes les formes d’abus ou de négligence. L’absence de réglementation et la culture du secret cultivée par la criminalisation de certains aspects de la procréation assistée en sont responsables. Dans cette pratique non réglementée, les agences sont très peu encadrées. Une question s’impose : pourquoi tenons-nous tant à réglementer les aspects financiers tout en fermant les yeux sur cette crise sanitaire?

[Français]

Les principes directeurs énoncés à l’article 2 de la Loi sur la procréation assistée sont notamment les suivants :

a) la santé et le bien-être des enfants issus des techniques de procréation assistée [...]

b) [...] la protection et [...] la promotion de la santé, de la sécurité et de la dignité et des droits des êtres humains [...]

c) [...] la santé et le bien-être des femmes doivent être protégés [...]

d) [...] [le] consentement libre et éclairé de la personne [...]

e) les personnes cherchant à avoir recours aux techniques de procréation assistée ne doivent pas faire l’objet de discrimination, notamment sur la base de leur orientation sexuelle ou de leur statut matrimonial;

Comme je l’ai expliqué dans mon introduction, l’intention derrière cette motion est de parvenir à formuler des recommandations qui permettront de réaligner l’intention de la loi avec ses effets pratiques. Il s’agit de proposer un cadre législatif permettant la mise en place de balises afin de protéger la santé et la sécurité des femmes et des enfants et de prévenir des situations d’abus.

[Traduction]

Je vais maintenant parler de la question des mères porteuses et des agences. En ce qui concerne les mères porteuses, la santé et la sécurité des femmes, ainsi que la possibilité pour les parents d’intention de dénoncer les abus, il est important de réglementer les agences. À l’heure actuelle, ces dernières ne sont encadrées par aucune réglementation et, tant que les paragraphes 6(2) et 6(3) de la loi sont en vigueur, la situation ne devrait pas changer.

La criminalisation qu’apporte la prohibition empêche les provinces et le gouvernement fédéral de réglementer adéquatement la pratique, ce qui fait que cette dernière se déroule derrière des portes closes par crainte de répercussions juridiques.

Dans le renvoi relatif à la Loi sur la procréation assistée, la Cour suprême du Canada a conclu que l’autorisation et la réglementation sont ultra vires du gouvernement fédéral et relèvent, comme il se doit, des gouvernements provinciaux.

Le comité devrait étudier ces questions de compétence et faire une proposition qui respecte les provinces et les territoires et s’appuie sur une compréhension des limites au sein desquelles le gouvernement fédéral peut légiférer. Comment pouvons-nous nous assurer qu’une éventuelle décriminalisation puisse être menée de façon sécuritaire pour tous sans qu’il y ait des conséquences imprévues?

En ce qui concerne les dons de gamètes, il est illégal de payer un donneur aux termes de l’article 7(1) de la loi. Paradoxalement, le Canada permet l’importation de gamètes provenant d’autres pays, même si le donneur y a été payé. Cela explique pourquoi environ 90 % des dons de sperme au Canada proviennent des États-Unis, alors que 5 à 10 % seulement proviennent de donneurs canadiens. En autorisant les importations, le gouvernement renonce à contrôler le cadre juridique qui régit le prélèvement de la plupart des gamètes qui se trouvent dans les banques canadiennes de sperme et d’ovules.

L’incertitude juridique ne rend service à personne. Elle accroît le risque que des personnes vulnérables soient exploitées et prennent des décisions non éclairées en raison des rapports de force inégaux qu’implique l’utilisation d’autres moyens de procréation. De plus, l’amélioration de l’accès aux autres moyens de reproduction favorise l’égalité entre les couples qui n’ont aucune difficulté à concevoir et les autres personnes, comme les couples infertiles, les couples de même sexe et les célibataires.

[Français]

Tout récemment, nous avons invité les sénateurs à visionner le documentaire The Secret Society et organisé une séance de questions et réponses à laquelle les créateurs et certains des participants au documentaire ont contribué. Ce documentaire met en lumière certains aspects de l’extraction d’ovules chez des femmes qui choisissent, pour des raisons altruistes, d’entreprendre une thérapie hormonale invasive afin de devenir donneuse d’ovules. Je vous invite à regarder ce documentaire, qui donne beaucoup d’information sur le système existant et sur les procédures médicales que les femmes doivent subir pour faire un don d’ovules et poser un acte altruiste.

Ce film présente la situation de couples qui éprouvent des problèmes de fertilité, les démarches qu’ils entreprennent et les coûts qu’ils assument pour devenir parents. D’un autre côté, nous constatons que le don altruiste d’ovules, comme la loi le permet présentement, n’est pas encadré de manière à veiller à la santé et au bien-être des donneuses. Cette procédure, très invasive et difficile, physiquement et psychologiquement, doit être mieux réglementée et ces femmes doivent être mieux protégées. La criminalisation de la rétribution fait obstacle à une réglementation adéquate. Je vous invite à regarder le documentaire en question, afin de mieux comprendre les coulisses de la pratique du don de gamètes au Canada et les répercussions très sérieuses et dangereuses d’une culture du silence.

Il est important de s’intéresser à l’incidence du régime législatif canadien sur le comportement de la population canadienne à l’étranger et l’étendue de ses répercussions. Notre régime juridique engendre des dommages collatéraux au-delà des frontières canadiennes en renforçant les inégalités entre les citoyens du monde et l’exploitation des femmes ailleurs dans le monde.

[Traduction]

La difficulté de se procurer des gamètes et de recourir à des services de maternité de substitution, au Canada, en raison de notre cadre de justice pénale, entretient l’exploitation de femmes démunies et racialisées à l’étranger qui sont exposées à un risque accru et omniprésent d’exploitation. Bon nombre de Canadiens se rendent dans d’autres pays parce qu’ils n’ont pas accès à des mères porteuses ou à des gamètes au pays. Ainsi, les Canadiens qui souhaitent recourir à d’autres méthodes de procréation assistée craignent souvent qu’une dépense non admissible soit considérée comme un paiement illégal. Cela incite les gens à se rendre dans d’autres pays où les règles sont plus souples pour avoir recours aux services d’une mère porteuse et pour se procurer des gamètes.

[Français]

Les effets réels de la mise en œuvre de la loi et son objet se contredisent. D’un côté, la Loi sur la procréation assistée prévoit ce qui suit à l’alinéa 2f) :

la commercialisation des fonctions reproductives de la femme et de l’homme ainsi que l’exploitation des femmes, des hommes et des enfants à des fins commerciales soulèvent des questions de santé et d’éthique qui en justifient l’interdiction;

D’un autre côté, cette loi permet et facilite ailleurs dans le monde ce qu’elle interdit au Canada. Les conséquences sont encore plus graves à l’étranger, dans des pays où les protections juridiques et les systèmes de soins de santé sont plus précaires.

La pandémie puis, maintenant, la guerre en Ukraine ont mis en exergue les dommages collatéraux d’une mondialisation de la procréation assistée et du tourisme de reproduction. Lors de mon dernier discours, j’avais mentionné qu’une centaine de bébés, nés de mères porteuses, étaient bloqués en Ukraine parce qu’ils ne pouvaient être récupérés par leurs parents adoptifs en raison de la fermeture des frontières. Parents adoptifs, mères porteuses et enfants se sont vus lésés par cette situation au début de la pandémie.

Aujourd’hui, cette situation problématique refait surface dans le contexte de la guerre en Ukraine. L’Ukraine autorise la rétribution de la gestation pour autrui et réglemente cette pratique. Son cadre juridique permissif attire des parents d’intention canadiens. Ceux qui ont regardé les nouvelles hier soir ont sûrement vu que des bébés qui sont bloqués en Ukraine.

Son Honneur le Président : Sénatrice Moncion, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous encore cinq minutes?

La sénatrice Moncion : Puis-je demander cinq minutes de plus?

Son Honneur le Président : Si vous ne voulez pas accorder le consentement, honorables sénateurs, veuillez dire non.

La sénatrice Moncion : Nous savons que le gouvernement du Canada, fort heureusement, travaille d’arrache-pied pour aider ces familles canadiennes et ces femmes ukrainiennes. Toutefois, il est clair que le cadre législatif du Canada renforce les inégalités entre les femmes à l’échelle internationale. Le gouvernement facilite plusieurs aspects de la procréation assistée ailleurs dans le monde, au bénéfice des Canadiens, mais sans considérer les répercussions de sa législation ailleurs dans le monde. Le comité pourrait se pencher également sur ces questions importantes et proposer des solutions.

(1640)

Lorsque le régime législatif actuel a été créé, puis mis en vigueur, le rapport final de la Commission royale d’enquête sur les nouvelles techniques de reproduction a intimé au gouvernement de procéder avec précaution, dans un rapport final intitulé Un virage à prendre en douceur, publié en 1993. À l’époque, le gouvernement ne possédait pas les données probantes qui lui auraient permis de comprendre l’impact réel de la politique qu’il proposait. Nous savons aujourd’hui que la sûreté, la sécurité et le bien-être des mères porteuses, des donneurs de gamètes, des enfants issus des techniques de procréation assistée et des futurs parents seraient mieux protégés par des régimes de réglementation que par des interdictions pénales.

[Traduction]

Il n’existe aucune preuve empirique qui justifierait une différence de traitement dans les pays occidentaux entre les mères porteuses rémunérées et les femmes qui deviennent mères porteuses pour des raisons altruistes. Les deux groupes risquent d’être victimes d’un déséquilibre de pouvoir et doivent être mieux protégés au moyen d’un cadre réglementaire adéquat.

Les données empiriques ont considérablement dissipé les inquiétudes qui se manifestaient dans les premiers temps de la Loi sur la procréation assistée. On croyait, et certains croient encore, que, dans les pays riches, les mères porteuses seraient des femmes vulnérables qui répondraient aux besoins de riches familles. Les données montrent que les femmes pauvres, sans éducation et racialisées ne sont pas surreprésentées chez les mères porteuses et les donneurs dans des pays comparables au Canada.

Par exemple, en 2015, Maneesha Deckha, professeure et titulaire de la chaire Lansdowne à la Faculté de droit de l’Université de Victoria, a publié un article dans la Revue de droit de McGill. Elle y fait référence à des recherches américaines et au profil des mères porteuses dans les pays occidentaux en citant Erin Nelson, professeur de droit de la responsabilité délictuelle. Elle dit ceci :

Contrairement aux arguments féministes avancés dans les premières années du secteur des technologies de reproduction assistée, les mères porteuses ne sont pas des femmes de couleur pauvres et sans éducation qui forment une sorte de « sous-classe » de reproduction visant à répondre aux besoins de riches femmes blanches.

Bien que cette dichotomie soit l’une des raisons pour lesquelles les législateurs canadiens justifient le besoin de criminaliser la maternité de substitution et le don de gamètes à des fins commerciales, elle ne s’appuie pas sur des données empiriques.

Dans le contexte d’un pays riche comme le Canada, il faut un cadre juridique axé sur la santé et la sécurité de tous, peu importe que le service soit rémunéré ou non. La criminalisation ne fait que favoriser un climat de peur et de silence, qui étouffe le débat et augmente le risque que des personnes vulnérables se fassent exploiter, qu’il s’agisse de mères porteuses, de parents d’intention, de donneurs ou de receveurs de gamètes, ou d’enfants.

Une étude du Sénat fournirait des recommandations fondées sur des témoignages et des données empiriques actualisées dont ne disposaient pas les promoteurs de la Loi sur la procréation assistée et la Commission Baird à l’époque.

[Français]

En conclusion, notre monde a considérablement changé depuis l’adoption de la Loi sur la procréation assistée, et encore davantage depuis la publication du rapport de la Commission Baird, en 1993. À la lumière des preuves empiriques découlant de la littérature académique récente et des témoignages des différentes parties prenantes, le temps est venu d’examiner l’étendue des preuves empiriques portant sur la procréation assistée dans un contexte parlementaire, afin de doter les Canadiens d’un cadre juridique qui protège véritablement leur santé et leur sécurité et de garantir l’équité et la justice pour les parents d’intention, les mères porteuses et les enfants issus des techniques de procréation assistée.

Que nous soyons d’accord ou non avec la décriminalisation de la rétribution de ces pratiques, le moment est venu d’examiner et d’étudier ces enjeux avec une lentille de 2022.

Je vous encourage, chers collègues, à appuyer cette motion et à autoriser le Comité permanent des affaires sociales à étudier cette importante question.

Je vous remercie de votre attention.

(Sur la motion de la sénatrice Seidman, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Le Sénat

Motion tendant à autoriser une modification à la Loi constitutionnelle de 1867 (qualifications des sénateurs en matière de propriété) par proclamation de la gouverneure générale—Ajournement du débat

L’honorable Dennis Glen Patterson, conformément au préavis donné le 25 novembre 2021, propose :

Attendu :

que le Sénat défend les intérêts de groupes souvent sous‑représentés au Parlement, tels les Autochtones, les minorités visibles et les femmes;

que le point 3 de l’article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit qu’une personne doit, pour être nommée au Sénat et y conserver son siège, posséder des terres d’une valeur nette minimale de quatre mille dollars situées dans la province pour laquelle elle est nommée;

qu’il se peut que des circonstances personnelles ou le marché immobilier d’une région donnée empêchent une personne de posséder la propriété requise;

que chacun devrait être admissible à une nomination au Sénat, indépendamment de la valeur nette de ses biens immobiliers;

que la qualification en matière de propriété immobilière n’est pas conforme aux valeurs démocratiques de la société canadienne moderne et qu’elle ne constitue plus une garantie adéquate ou valable de l’aptitude d’une personne à siéger au Sénat;

que chacun des vingt-quatre sénateurs du Québec est nommé pour un collège électoral donné et doit remplir la qualification en matière de propriété immobilière dans ce collège électoral ou y résider;

que les dispositions de la Constitution du Canada applicables à certaines provinces seulement ne peuvent être modifiées que par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l’assemblée législative de chaque province concernée;

que la Cour suprême du Canada a déclaré que l’abrogation complète du point 3 de l’article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant la qualification des sénateurs en matière de propriété immobilière requiert une résolution de l’Assemblée nationale du Québec conformément à l’article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982,

Le Sénat a résolu d’autoriser la modification de la Constitution du Canada par proclamation de Son Excellence la gouverneure générale sous le grand sceau du Canada, en conformité avec l’annexe ci-jointe.

ANNEXE

MODIFICATION À LA CONSTITUTION DU CANADA

1.(1) Le point 3 de l’article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867 est abrogé.

(2) L’article 23 de la même loi est modifié par remplacement du point-virgule à la fin du point 5 par un point et par abrogation du point 6.

2. La Déclaration des qualifications exigées figurant à la cinquième annexe de la même loi est remplacée par ce qui suit :

Je, A.B., déclare et atteste que j’ai les qualifications exigées par la loi pour être nommé membre du Sénat du Canada.

3.Titre de la présente modification : « Modification constitutionnelle de (année de proclamation) (qualification des sénateurs en matière de propriété immobilière) ».

— Honorables sénateurs, je prends à nouveau la parole, mais cette fois pour parler de la motion no 19, qui vise à éliminer l’exigence foncière pour les sénateurs de la belle province.

Comme vous le savez d’après le discours que j’ai prononcé plus tôt aujourd’hui, cette motion est liée à l’objet de mon projet de loi S-228, qui vise à supprimer l’obligation pour les sénateurs de posséder un avoir net et un avoir immobilier, tel qu’il est indiqué dans la Loi constitutionnelle de 1867. J’aimerais à nouveau préciser que cela ne supprime pas l’exigence inscrite dans la Loi constitutionnelle selon laquelle les sénateurs doivent résider dans la province ou le territoire qu’ils représentent.

J’attire à nouveau votre attention sur la décision rendue le 25 avril 2014 par la Cour suprême du Canada, qui concluait ceci :

L’abrogation complète du paragraphe 23(3) requiert toutefois le consentement de l’assemblée législative du Québec, suivant la procédure sur les arrangements spéciaux. En effet, l’abrogation complète de la condition relative à l’avoir foncier (paragraphe 23(3)) constituerait également une modification du paragraphe 23(6), qui prévoit un arrangement spécial applicable uniquement à la province de Québec.

La Cour suprême du Canada a présenté ainsi les arguments qui l’ont mené à rendre cette décision :

Pour sa part, le procureur général du Québec soutient que l’abrogation de la qualification prévue au par. 23(3) en matière de propriété immobilière aurait une incidence sur l’application du par. 23(6), qui permet aux sénateurs du Québec de résider dans le collège électoral pour lequel ils sont nommés ou d’y posséder leur qualification foncière. Il s’ensuit, selon lui, que le consentement du Québec est nécessaire pour abroger la disposition visée.

Mes collègues dans cette enceinte sont déjà bien au fait de la procédure sur les arrangements spéciaux dont il est question dans la décision : la Constitution peut être modifiée pour des aspects propres à une province ou à un territoire au moyen d’une motion adoptée au Sénat, dans l’autre endroit ou dans une assemblée législative provinciale ou territoriale. C’est très semblable à la modification à la Loi sur la Saskatchewan qui est présentement examinée attentivement par le Sénat.

Pour ceux parmi vous qui ne seraient pas au courant de cette exigence de qualification additionnelle pour nos collègues du Québec, le paragraphe 23(6) de la Loi constitutionnelle de 1867 stipule ce qui suit :

En ce qui concerne la province de Québec, il devra être domicilié ou posséder sa qualification foncière dans le collège électoral dont la représentation lui est assignée.

Comme les sénateurs du Québec le savent, il y a 24 divisions électorales dans leur province. Historiquement, ces divisions ont été créées selon des réalités linguistiques et religieuses pour séparer les anglophones des francophones et les catholiques des protestants. Je crois que la plupart d’entre vous conviendront que ces divisions ne sont plus pertinentes de nos jours.

De plus, cette exigence oblige les sénateurs québécois à posséder une propriété dans une région qu’ils pourraient ne pas habiter, ce qui signifie que plusieurs sénateurs doivent assumer le fardeau supplémentaire de posséder une autre propriété en plus de leur résidence principale s’ils ne résident pas déjà dans la circonscription électorale qu’ils ont été nommés pour représenter.

Je signale également aux sénateurs que ces 24 divisions électorales sont anachroniques. Elles sont axées sur la partie sud de la province et ne tiennent pas compte du Nunavik et du territoire des Cris de la baie James.

Notre ancien collègue, le sénateur Charlie Watt, possédait en fait une propriété dans le Sud du Québec sur laquelle il n’avait jamais posé les yeux.

Étant donné la non-pertinence de ces divisions à notre époque moderne et compte tenu des nombreux arguments que j’ai présentés plus tôt aujourd’hui contre l’élitisme, l’exclusion et les barrières perpétués par les exigences en matière de propriété en général, je demande aux sénateurs leur soutien pour faire avancer cette motion ainsi que mon projet de loi d’intérêt public du Sénat, le projet de loi S-228.

Merci, honorables sénateurs. Taima.

(1650)

Son Honneur le Président : Sénateur Patterson, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Patterson : Oui.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Merci. Honorables sénateurs, j’aimerais remercier mon collègue de soulever ces questions intéressantes pour les sénateurs du Québec.

Comme vous l’avez dit, et comme la Cour suprême l’a indiqué dans le cas du Renvoi relatif à la réforme du Sénat, ce changement nécessitera le consentement de l’Assemblée nationale du Québec. Pensez-vous que l’une des premières modifications à la Constitution du Canada, particulièrement en ce qui concerne les sénateurs du Québec, a des chances d’obtenir le consentement de l’Assemblée nationale?

Le sénateur Patterson : Je vous remercie de votre question, sénateur Dalphond. Je ne me prononcerai certainement pas sur les affaires politiques du Québec. Je n’oserais pas le faire. J’ai pensé que je devrais d’abord obtenir le soutien du Sénat pour cette modification visant la modernisation de la Constitution, puis laisser le gouvernement du Québec gérer la question comme il le juge bon.

Comme vous le savez peut-être, j’ai rencontré les sénateurs du Québec — je pense les avoir tous vus — et j’ai aussi parlé avec le bureau du gouvernement du Québec — qu’on appelle la maison du Québec — ici, à Ottawa, mais je ne suis pas allé plus loin. Je ne me risquerais pas à émettre une opinion sur la façon dont la question sera traitée. On peut espérer que le Québec sera ouvert à élargir les critères d’admissibilité pour inclure toutes les régions de la province et tous les Québécois de 30 ans et plus qui sont autrement qualifiés. Merci.

Le sénateur Dalphond : Merci. Accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Patterson : Oui.

Le sénateur Dalphond : Merci. Premièrement, je suis impressionné par l’intérêt que vous portez à cet enjeu, qui est, je dois dire, important. Vous avez parlé aujourd’hui d’un projet de loi que vous avez présenté, et ce dernier modifiera la Constitution fédérale, selon les dispositions de la Constitution du Canada limitées aux institutions fédérales. Le Parlement fédéral est le seul à pouvoir modifier sa Constitution interne en adoptant une loi. Nous parlons de trois lectures au Sénat et de trois lectures à la Chambre des communes. C’est un processus un peu long. Pour le Québec, par contre, vous proposez une motion qui nécessitera le consentement du Sénat, une motion à la Chambre des communes et une motion à l’Assemblée nationale. C’est un processus légèrement différent.

Ne convenez-vous pas, afin de veiller à ce que tous les sénateurs soient égaux dans cette enceinte et le demeurent, que nous devrions d’abord étudier votre motion pour modifier la Constitution? Ensuite, si elle est adoptée par l’autre endroit et par l’Assemblée nationale, nous procéderions à l’adoption de votre projet de loi visant les autres sénateurs du Canada?

Le sénateur Patterson : Voilà une très bonne question, sénateur Dalphond, comme disent parfois les ministres lorsqu’ils ne savent pas vraiment comment répondre à une question. Je suis d’accord avec vous, il serait souhaitable que cette mesure s’applique à toutes les provinces et à tous les territoires du Canada. Il ne serait pas souhaitable que le projet de loi S-228 soit adopté dans les deux endroits et que la réforme soit appliquée à toutes les parties du Canada, sauf le Québec.

Je trouve ce que vous proposez valable parce que c’est logique. Cela dit, j’aimerais proposer que le Sénat étudie ces deux projets de loi en parallèle et les voie comme une paire. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai présenté le projet de loi et la motion aujourd’hui. Voilà ma réponse : obtenons l’appui du Sénat maintenant. Nous devrions poursuivre, les traiter en parallèle et les considérer comme étant interreliés pour le bien du Canada dans son ensemble. Merci.

[Français]

Son Honneur le Président : Sénatrice Dupuis, voulez-vous poser une question?

L’honorable Renée Dupuis : Oui.

Merci, sénateur Patterson, de soulever ces deux questions. En ce qui concerne la motion no 19, la position du gouvernement fédéral, ces années-ci, ces mois-ci, ces semaines-ci, telle qu’elle nous a été communiquée hier au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, est que le gouvernement fédéral préfère attendre qu’une province prenne elle-même l’initiative de présenter une résolution constitutionnelle pour étudier un amendement bilatéral fédéral-provincial à la Constitution, ce qui serait le cas de votre motion.

Je ne sais pas comment vous réagissez à cette position. Je ne dis pas que je suis contre la motion, mais, dans l’hypothèse où le Sénat avaliserait la motion que vous présentez, comment pourrait-on faire avancer la question, face à cette position du gouvernement fédéral?

[Traduction]

Le sénateur Patterson : Je vous remercie de cette question intrigante, sénatrice Dupuis. Je pense que la meilleure façon de procéder serait de donner du poids à la pertinence de remédier à cette disposition élitiste et désuète, en appuyant la motion au Sénat. Ensuite, je pourrai m’adresser à la province du Québec, préférablement avec l’aide et les conseils de mes estimés collègues du Québec, et avec l’imprimatur du Sénat, pour voir si le gouvernement du Québec songerait à appuyer un tel changement. Ce serait peut-être la façon logique de venir à bout du problème que vous avez décrit : en offrant au Québec l’occasion de signaler son appui.

J’aimerais tout de même que la motion et le projet de loi soient étudiés avec attention, et possiblement adoptés, ici, au Sénat. Ensuite, je pourrais aller de l’avant, avec l’appui des sénateurs du Québec, et encourager la Province de Québec à appuyer cette modernisation et cette réforme depuis longtemps attendues. Merci.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Merci.

[Traduction]

L’honorable Donna Dasko : Le sénateur Patterson accepterait-il de répondre à une autre question? Merci, sénateur.

J’aimerais aborder cette question d’une manière semblable à celle du sénateur Dalphond, mais sous un autre angle. Même si, selon vous, il serait souhaitable que ces deux initiatives aillent de l’avant en même temps, d’après l’enthousiasme que nous avons observé plus tôt aujourd’hui à l’égard de la motion précédente, il semble probable que l’on puisse aller de l’avant avec la première initiative, même si le processus pourrait être un peu plus long pour ce qui est de la deuxième.

Selon vous, serait-ce acceptable, même si vous préféreriez qu’on aille de l’avant avec les deux initiatives en même temps? Vous semblerait-il acceptable de commencer par la première? Si on apporte le changement dans d’autres régions du pays, le Québec, voyant le changement apporté dans les autres provinces, sera peut‑être plus enthousiaste à l’idée de se pencher sur la question. Étant donné que la pratique actuelle est très élitiste, elle paraît tout à fait inacceptable pour nombre d’entre nous. Merci.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie de la question. Vous savez, je crois que vous apportez un très bon argument. Si la réforme est approuvée par les deux Chambres pour l’ensemble des provinces et des territoires, à l’exception du Québec, cela pourrait être une façon intéressante d’amener le gouvernement et la population du Québec à se pencher là-dessus à leur tour.

(1700)

J’ai écouté la suggestion de la sénatrice Dupuis — que j’aimerais examiner davantage — voulant que la position du gouvernement fédéral consiste à attendre qu’une province initie un tel changement. Je ne suis pas au courant de cette position. Peut-être fait-elle référence à la question de la Saskatchewan que nous examinons. J’en tiendrais compte pour décider de la façon de procéder.

Étudions le projet de loi au comité et débattons de la motion ici. Je suis convaincu d’avoir d’autres occasions de discuter de la stratégie à l’avenir. Merci.

(Sur la motion du sénateur Wells, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que la séance soit suspendue jusqu’à nouvelle convocation de la présidence pour attendre des messages de la Chambre des communes, et que la sonnerie pour la convocation des sénateurs se fasse entendre pendant 10 minutes.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(1910)

Projet de loi de crédits no 5 pour 2021-2022

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-15, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2022, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons‑nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Français]

Projet de loi de crédits no 1 pour 2022-2023

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-16, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2023, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons‑nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 29 mars 2022, à 14 heures.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(À 19 h 19, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 29 mars 2022, à 14 heures.)

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